Dans un contexte national marqué par une baisse de production pour certaines filières de base qui affecte notre souveraineté ou indépendance alimentaire – le Gers n’y échappe pas, le chiffre d’affaire diminuant régulièrement d’année en année – quel modèle l’agriculture française doit-elle adopter, en continuité ou en rupture avec le tournant agro-écologique de la loi d’avenir de 2014 (LAAAF) ?
La future loi d’orientation et d’avenir agricole (LOAA), annoncée par le Gouvernement, devra répondre à cette question fondamentale.
C’est dans ce contexte qu’ont été récemment débattues au Sénat des dispositions ciblées sur la problématique spécifique des coûts, indépendamment donc des autres aspects relatifs à une agriculture durable répondant aux enjeux de transition du 21ème siècle.
Le mardi 16 mai 2023, le Sénat examinait donc la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France. Ce texte est le fruit des recommandations législatives de la mission d’information sur la compétitivité de la ferme France.
Avec pour ambition de contribuer à enrayer le déclin de la puissance agricole française, le texte propose notamment la modération de certaines charges, la création d’un fonds de soutien à l’investissement et à la recherche des petites filières, ou encore un « livret Agro » pour faciliter l’accès à l’emprunt des agriculteurs.
Le sénateur Montaugé a soutenu en séance ces mesures. Cependant, d’autres dispositions constituent des retours en arrière inquiétants qui pourraient avoir des effets néfastes pour l’environnement et la santé des consommateurs entre autres (levée des interdictions relatives à certains produits phytosanitaires par exemple).
Lors de l’examen de cette proposition de loi, le sénateur Franck Montaugé a présenté 5 amendements pour lier la recherche de compétitivité agricole au soutien des territoires. Deux d’entre eux ont été adoptés.
- Engagé depuis plusieurs années en faveur de la reconnaissance des externalités positives de l’agriculture (Lire ICI, ICI, ICI, ICI), le sénateur Montaugé a obtenu l’adoption d’un amendement qui permettra d’évaluer l’intégration des paiements pour services environnementaux (PSE) dans la nouvelle politique agricole commune, avec une meilleure prise en compte au sein du plan stratégique national. Existants aujourd’hui sous la forme de quelques « mesures agro-environnementales et climatiques » (MAEC), les PSE devraient être généralisés à toutes les externalités positives (aménités) produites par l’agriculture dans l’intérêt général des territoires et de la société, tout en constituant une source de revenus supplémentaires pour les agriculteurs.
- Le second amendement adopté étend aux entreprises de travaux agricoles, ruraux ou forestiers le dispositif d’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs saisonniers, dit « TO-DE ». Cette possibilité d’exonération avait était supprimée en 2015 pour ces entreprises qui connaissent pourtant des difficultés de recrutement.
Le sénateur Montaugé a également défendu trois autres amendements qui n’ont pas été adoptés :
- Un amendement en faveur d’une définition législative des zones à faible potentiel agronomique, dites « zones intermédiaires ». Ces territoires subissent des problèmes structurels de profitabilité, avec des productions dont la valeur ajoutée est faible comparée à d’autres territoires aux rendements historiques beaucoup plus élevés. Malgré l’implication du sénateur (voir ICI) pour une prise en compte de ces zones dans les aides agricoles et les travaux du CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) recommandant des actions rapides, aucune solution viable et pérenne n’est proposée aux agriculteurs en zone intermédiaire. Le sénateur Montaugé regrette que la majorité sénatoriale ait cependant refusé cet amendement qui permettait de soutenir ces territoires, dont celui du Gers, comme l’ont été au sein de la politique agricole les territoires de montagne dont le pastoralisme a été sauvé voire relancé.
- Un amendement de promotion de la démarche des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE). Une des vertus de cet instrument au service des territoires est de structurer la concertation locale des acteurs pour une gestion cohérente de l’eau au regard des ressources disponibles et des divers besoins à satisfaire. Les PTGE ne sont pourtant pas assez encouragés par le Gouvernement et on peut regretter que leur déploiement ne soit pas plus promu et soutenu.
- La création d’un crédit d’impôts pour les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers afin d’alléger les charges conséquentes qui pèsent sur ces entreprises et menacent parfois leur existence.
En outre, à l’occasion de la discussion de l’article 15 consacré aux ouvrages de stockage de l’eau, Franck Montaugé a rappelé l’intérêt qui devrait être porté à l’entretien des ouvrages existants en parallèle de la création de nouveaux. De nombreuses réserves existent dont, pour nombre d’entre-elles, l’envasement conduit à une réduction de près d’un tiers de leurs capacités de stockage d’eau. Des outils législatifs ou règlementaires doivent être mis en œuvre pour faciliter les curages afin de retrouver des volumes de stockage d’eau.
Le ministre Marc Fesneau a confirmé l’enjeu que représente l’entretien des ouvrages existants et s’est engagé à mener un travail pour viser à alléger les procédures. Dont acte, en espérant que les simplifications soient adoptées rapidement !
En ce qui concerne les retenues à créer, le Ministre n’a pas affirmé de volonté particulière de simplifier la législation (rejet de l’amendement n°17 du sénateur Duffourg).
Enfin, la notion de « projet d’intérêt général majeur » pour les projets hydrauliques a été votée dans le texte. Le sénateur Montaugé a fait remarquer dans son intervention qu’elle n’avait à ce stade aucune définition légale donc opposable. Elle ne sera donc pas utilisable ! Si l’intention peut être partagée, on reste là dans une logique de communication qui ne fait pas progresser le sujet.
Au regard du sort fait à certains de ses amendements et compte tenu des faiblesses importantes de ce texte, dans l’attente d’un débat d’orientation permettant d’aborder et de traiter tous les enjeux de l’agriculture dans le contexte de transition de notre société, le sénateur Montaugé s’est opposé constructivement.
Le scrutin public sur l’ensemble du texte s’est déroulé le mardi 23 mai 2023 en séance publique. Le texte a été adopté par le Sénat par 210 voix POUR (63%) et 94 CONTRE (37%). Le texte va prendre le chemin du bureau de l’Assemblée Nationale mais il a très peu de chance d’être mis à l’ordre du jour des débats. La priorité sera certainement donnée au Gouvernement pour le projet de loi d’orientation et d’avenir agricole (LOAA).