Le 26 juillet dernier, le sénateur Franck Montaugé a participé à la cérémonie commémorative des combats de Viella du 26 juillet 1944. Au cours de cette journée terrible, une forte colonne allemande en provenance de Pau est tombée sur un poste de commandement du Corps Franc Pommies. 14 jeunes hommes engagés dans la Résistance ont perdu la vie, froidement exécutés pour la plupart d’entre eux. Voici le discours qu’a prononcé à Viella le sénateur Montaugé:
« Au-delà de l’émotion qu’il suscite toujours pour les républicains que nous sommes, le devoir de commémoration est toujours un exercice difficile, je le ressens profondément comme cela, quand il s’agit de faire le choix de mots dont on sait qu’ils ne sont jamais à la hauteur des figures historiques des Martyrs dont nous rappelons le sacrifice. Alors, pour donner sens au sacrifice suprême de ceux que nous honorons aujourd’hui, vous me permettrez de dire les mots d’un grand Résistant, Pierre Brossolette, entré au Panthéon le 15 mai 2015 avec Geneviève Anthonioz de Gaulle, Germaine Tillon et Jean Zay.
Les 14 maquisards de Viella qui ont donné leurs vies dans des circonstances infâmes, Pierre Brossolette les avait à l’esprit lorsque dans un message radiophonique donné à la BBC de Londres le 22 septembre 1942 il disait: À côté de vous, parmi vous, sans que vous le sachiez toujours, luttent et meurent des hommes — mes frères d’armes —, les hommes du combat souterrain pour la libération […], combattants d’autant plus émouvants qu’ils n’ont point d’uniformes ni d’étendards, régiment sans drapeau dont les sacrifices et les batailles ne s’inscriront point en lettres d’or dans le frémissement de la soie mais seulement dans la mémoire fraternelle et déchirée de ceux qui survivront ; saluez-les. La gloire est comme ces navires où l’on ne meurt pas seulement à ciel ouvert mais aussi dans l’obscurité pathétique des cales. C’est ainsi que luttent et que meurent les hommes du combat souterrain de la France. Saluez-les, Français ! Ce sont les soutiers de la gloire.
Ces hommes du combat souterrain pour la libération, comme nous invitait Pierre Brossolette il y a 75 ans, je les salue avec vous et je veux dire leurs noms:
- Robert ALLAVENA,
- Gilbert DARRICAU,
- André DERIT,
- René DUFAURE,
- Louis DURIEUX,
- Jacques GLANDAZ,
- Gustave HENGY,
- Francis LANINE,
- Ernest LIBIS,
- Joseph MENDOZA,
- Louis SENSEBY,
- Roman SERRANO-HERRERA,
- Charles TISON,
- André VARINI
Ceux-là œuvraient dans l’obscurité pathétique des cales, ils ne savaient pas la fin de l’histoire et ils n’en connaissaient que le risque d’une vie, à peine commencée, qui pouvait s’arrêter d’un moment à l’autre. Ce don absolu de soi pour les autres, forme indépassable de la Fraternité républicaine, ils l’ont fait pour ceux de leur temps mais aussi pour nous tous qui sommes là et pour ceux qui nous suivront. Par leur comportement, ils nous donnent à penser l’engagement civique porté au plus haut niveau d’exigence, ils nous interrogent sur notre rapport-même aux valeurs qui fondent et donnent sens à la République : Liberté, Égalité, Fraternité !
Disons sans relâche et au risque de nous répéter que ce que nous enseignent ces années noires, c’est à quel point nos démocraties sont fragiles. Dans le confort, parfois, de nos certitudes d’aujourd’hui, beaucoup ont le sentiment que notre démocratie républicaine est éternelle. Rien n’est moins sûr et les enquêtes d’opinion nous apprennent qu’une proportion considérable de français ne voient plus dans la démocratie le meilleur des systèmes à l’exception de tous les autres comme disait un éminent Britannique (1), grand Résistant lui aussi et à qui nous sommes tous redevables.
Dans un monde où les repères se brouillent, où les valeurs du Pacte Républicain sont profondément interrogées, parfois dans la complexité des tensions de toutes sortes, certains incitent au choc des civilisations, aux rapports de forces. Je crois au contraire que dans ce moment où montent tout à la fois les risques et la tentation du repli sur soi, où certains s’interrogent sur l’identité française et sur le sens que l’Europe doit prendre dans un concert international troublé, nous devons être plus que jamais vigilants.
Trouvons dans la force de l’engagement des soutiers de la Gloire que furent les 14 Martyrs de Viella, la plus haute exigence républicaine à nos conduites de citoyens !
Vive la République ! Vive la France ! »
1- Winston Churchill disait : « La démocratie est le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres.»