Vous trouverez ici l’intégralité des propos tenus par Franck Montaugé sur les sujets proposés par la rédaction de La Dépêche : loi immigration, agriculture, industrie, énergie, budget, services publics, crises géopolitiques d’Europe de l’Est et du Moyen-Orient.
LOI IMMIGRATION
Dans son histoire, la France s’est construite avec l’apport et la contribution des populations étrangères. Parfois même au prix de leur sang.
Aujourd’hui encore, sans les étrangers qui travaillent dans les hôpitaux, dans les soins à domicile pour nos parents, dans le bâtiment et les travaux publics, dans la distribution alimentaire ou la logistique, l’agriculture et l’industrie, la société française ne pourrait pas fonctionner.
Moi, je pense à ces personnes qui ont fait le choix, souvent contraint, de s’installer sur notre sol, d’y fonder leur famille et d’y construire une nouvelle vie. Des vies humaines, avant tout. Qui méritent notre respect et notre considération.
Au départ de ce projet de loi, les intentions affichées étaient de mieux contrôler l’immigration mais aussi de faciliter l’intégration des étrangers dans notre pays.
Cette promesse était un leurre et le texte voté, auquel je me suis opposé (lire ICI et ICI), est un texte de police des étrangers. Dans les faits, le Gouvernement et la droite sont à la recherche d’un électorat perdu. Ils ont adopté la rhétorique que seule l’extrême-droite défendait jusqu’alors : « la France aux Français ».
Ce texte est une honte pour le pays des droits de l’Homme et une insulte à l’héritage des Lumières. Il dit aussi le peu de confiance que nos gouvernants ont dans le peuple français !
Aujourd’hui, Emmanuel Macron amène les idées d’extrême-droite au pouvoir.
Non, un étranger n’est pas par essence un danger pour notre civilisation, notre mode de vie ou notre activité́ économique.
De surcroit ce texte ajoute du désordre au désordre.
Le droit des étrangers s’empile, des enfants non accompagnés sont à la rue, les situations des étrangers sont déjà examinées de manière très exigeantes, les OQTF (Obligations de Quitter le Territoire Français) sont délivrées de façon peu lisible…
Ce texte n’y changera rien et va entretenir ce désordre.
En réalité, la droite et le centre sont avec ce texte rentrés dans la majorité́ présidentielle.
Et la digue défendue pendant de nombreuses années par la droite française avec l’extrême-droite a été rompue.
Après les élections présidentielles de 2017 et 2022, le front républicain a été détruit en 2023… et le risque est maintenant plus grand que les Français choisissent demain l’original à la copie.
AGRICULTURE
Je souhaite une loi d’orientation agricole ambitieuse au regard des réalités climatiques et des nécessités de transition écologique.
La problématique de la transmission foncière et de l’installation de jeunes agriculteurs devrait faire partie de ce texte. Ce n’est pas certain à ce stade.
Elle devrait aussi être l’occasion d’un bilan objectif du tournant agroécologique pris en 2014.
La question majeure de l’accès à l’eau devra aussi être traitée. Mon groupe a apporté sa contribution à cette problématique. Nous ne pourrons pas progresser sans dialogue de l’ensemble des parties prenantes et je pense à cet égard que les approches collectives de type « projet territorial de gestion de l’eau » doivent être privilégiées (lire ICI).
INDUSTRIE
Après y avoir beaucoup travaillé pendant des années auprès de la Direction Générale des Entreprises du ministère de l’économie, je me réjouis que les intercommunalités du Grand-Auch et d’Astarac-Arros soient entrées dans le dispositif « Territoires d’industrie » (lire ICI).
J’ai toujours pensé (lire ICI) que le Gers tout en soutenant ses entreprises existantes devait prendre sa place dans l’économie de demain. Il s’agit de penser cette économie dans le cadre de la transition écologique dont le déploiement est amorcé. J’espère que le plus vite possible l’ensemble des intercommunalités pourront s’inscrire dans cette démarche initiée dans le Gers avec succès il y a quelques années par le pays Portes de Gascogne.
ENERGIE
Les modes décarbonés de production d’énergie doivent être privilégiés. J’ai voté les textes relatifs à l’accélération des énergies renouvelables (lire ICI) et au nouveau nucléaire (lire ICI). En matière de production d’électricité, notre pays est dans une situation difficile. Nous avons perdu beaucoup de temps. Il nous faut augmenter nos capacités de production en même temps que nous devons développer la sobriété et l’efficacité énergétique. C’est un des aspects majeurs de la transition écologique. Les intentions sont là et la mise en pratique sera décisive.
Cela va donner lieu à une planification territoriale impliquant directement l’État et l’ensemble des collectivités locales. Je suivrai tout particulièrement ce déploiement en tant que sénateur.
Au-delà de cet aspect, je souhaite que la réforme du marché européen de l’électricité soit favorable à la France. Les Français doivent pouvoir bénéficier des points positifs du parc de production national.
Là aussi, il s’agit de trouver le bon équilibre entre souveraineté nationale et principes européens communs. En matière d’énergie et d’électricité en particulier, il en va du pouvoir d’achat des ménages, des coûts de fonctionnement des collectivités locales et de la compétitivité de nos entreprises petites et grandes. Le chantier est en cours et je souhaite que nous puissions préserver voire réinstaurer des tarifs régulés souvent plus protecteurs dans la durée que les offres de marché. C’est là pour moi un dossier prioritaire.
BUDGET 2024
À la suite de l’examen du budget agricole, je prends date et nous verrons si le gouvernement est au rendez-vous des besoins de ces filières confrontées ces dernières années à de nombreux aléas climatiques et sanitaires.
La plupart des amendements que j’ai présentés et défendus pour soutenir les filières en difficulté comme celle du vin (lire ICI), du gras ou de l’élevage ont été rejetés (lire ICI).
La pérennité de certaines exploitations est questionnée. Les assurances ne fonctionnent pas ou plus dans ces conditions. Et en attendant la révision du mode de calcul des rendements à la moyenne dite « olympique », la solidarité nationale doit s’exprimer pleinement. Il en va de l’avenir de pans entiers du territoire agricole gersois et de l’image même de notre beau département.
SERVICES PUBLICS
L’accès aux soins de santé de premiers recours est en constante dégradation sur de nombreux territoires en France.
Je salue l’action, dans ces conditions, des communes, du département et de la région. Mais le premier responsable de cette situation dégradée c’est l’État, donc les gouvernements qui se sont succédé… depuis de nombreuses années. Le plus important des services publics c’est celui de la santé. Cela justifie pleinement que les professionnels, en début de carrière notamment, soit répartis sur le territoire, là où il y a des besoins de prise en charge de la population (lire ICI). La suppression du numerus clausus ne résoudra pas la question. C’est une affaire de volonté politique et de budget à y consacrer. La même question se pose bien évidemment pour l’hôpital dont le modèle est à revoir, en commençant par l’abandon de la T2A (tarification à l’activité). Il en va de même du service public de santé psychiatrique.
De manière plus générale les Français éprouvent un sentiment d’éloignement et de complexité voire d’inaccessibilité pour les plus anciens à l’égard des services publics dématérialisés. La médiation doit à cet égard être plus développée qu’elle ne l’est aujourd’hui, dans les maisons de service public et au domicile des usagers pour ceux qui sont isolés ou qui ne peuvent pas se déplacer.
CONFLITS
- Russie – Ukraine
Nous pensions que la guerre faisait partie du passé de l’Europe. Il n’en est rien. Nous l’avions déjà constaté avec les affrontements de l’ex-Yougoslavie dans les années 90.
L’histoire est linéaire, chronologique mais elle est plus encore sédimentaire.
Chaque époque d’affrontements, de crise, de reconfiguration politique laisse des traces qui restent très longtemps actives et qui ressurgissent quand les conditions politiques s’y prêtent. C’est le cas pour le conflit entre la Russie et l’Ukraine dont l’histoire « commune » est longue et compliquée.
Tout cela dit l’enjeu majeur qu’est pour nous, l’Union européenne, le processus de construction européenne. La paix en Europe, la paix dans le monde doivent rester au fondement de la construction européenne. Cette dimension du projet politique est fondamentale. Elle doit être confortée.
Qui n’avance pas régresse et c’est la question de l’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne qui est posée… et il y a là un sujet pour l’agriculture française. Difficile aussi mais indispensable doit être notre politique extérieure à l’égard de la Russie.
Dans ce contexte, l’Europe doit être un facteur de conciliation, de paix et toujours de progrès social.
Mais l’Europe, si elle veut répondre aux besoins de ses peuples, doit aussi se réinterroger sur la place, aujourd’hui trop grande à mon avis, qu’elle fait au marché et au sacro-saint principe de « libre concurrence non faussée ».
Le projet politique ne peut se limiter, comme cela a été le cas jusqu’ici, à ce grand marché. Les USA et la Chine ne s’embarrassent pas de tels principes. Ils sont à la conquête en protégeant et en accompagnant leurs entreprises, en Europe et ailleurs. Nous devons faire de même.
Les politiques publiques européennes doivent aussi être revues dans le cadre des objectifs climatiques, du « Green deal », en se posant la question du « pouvoir de vivre » des populations les plus modestes (lire ICI).
La montée de l’extrême droite en Europe est très préoccupante. Nous n’y répondrons pas par des approches politiciennes et tactiques comme celle échafaudée pour la loi immigration par le Président de la République, le ministre de l’Intérieur et le président du groupe Les Républicains du Sénat avec la bénédiction du Rassemblement National.
- Moyen – Orient
Le conflit géopolitique certainement le plus compliqué de l’ère moderne dont le fait originaire est la Shoah, même si l’idée du sionisme se développe à partir de la fin du 19ème siècle à la suite des pogroms* commis en Pologne et en Russie… et que la fin de l’empire Ottoman doit aussi être prise en compte pour comprendre.
J’ai vu en projection privée au Sénat des vidéos « live » des exécutions du Hamas. Horreur absolue du terrorisme !
Aujourd’hui et ça n’a que trop duré, j’attends que la fenêtre de riposte d’Israël à l’agression du Hamas se referme.
Otages israéliens, victimes civiles des deux bords, il n’y a pas lieu pour moi de hiérarchiser. Toutes les vies son d’égales importances. Toutes les souffrances sont injustifiables. La Justice pénale internationale devra faire son œuvre.
Pour ce qui est de la communauté internationale, je constate à ce stade l’influence limitée des États-Unis, que les Européens agissent en ordre dispersé sans avoir véritablement de position commune. Et que dans ce contexte la parole de la France reste faible. Il y a là aussi un utile sujet pour la prochaine campagne électorale européenne. En tout état de cause, il faudra se doter d’un nouveau cadre international pour garantir un minimum de stabilité permettant de reconstruire sur le territoire palestinien et de garantir un avenir aux populations qui ont tout perdu. Tout reste à imaginer en matière de gouvernance post-conflit.
La solution à deux États paraît aujourd’hui illusoire ou très éloignée d’un possible raisonnable. Je continue à penser qu’elle doit demeurer l’objectif de tous. Dans l’esprit de celui d’Oslo, un nouveau processus de paix doit être engagé.
C’est l’extrémisme religieux en Israël qui avait mis fin aux accords d’Oslo par l’assassinat d’Itzhak Rabin.
Je me permets toutefois de dire à ce propos combien est précieuse une organisation laïque de la société. Et je comprends d’autant moins le signe qu’a donné le Président de la République française en permettant il y a peu que se déroulent à l’Élysée des rituels religieux, et je dis cela indépendamment de la religion concernée. La loi de 1905 instaurant la séparation des Églises et de l’État est une loi anthropologique. Elle tient compte de la dimension spirituelle de l’être humain. Elle la garantit par la liberté de conscience accordée à chacun et la neutralité du politique à l’égard de ces questions métaphysiques. Tout le contraire de ce qui se passe au Moyen-Orient où les religions sont instrumentalisées à des fins politiques.
* Attaque accompagnée de pillages et de meurtres, perpétrée contre une communauté juive (d’abord dans l’Empire russe particulièrement en Pologne, en Ukraine et en Bessarabie entre 1881 et 1921).