Mardi 10 janvier 2023 se déroulait au Sénat un débat sur le thème « Mieux rémunérer le travail en France : la nécessité d’un Grenelle sur les salaires », organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. A cette occasion Franck Montaugé a interrogé Madame Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.
Par nature, le travail est le principal moyen de vivre pour la plupart des personnes. Mais au-delà de cette fonction monétaire, le travail peut constituer un vecteur d’émancipation si tant est qu’il ait un sens pour celui qui l’exerce. C’est sur ce point et sur les actions politiques qui sont à mener pour redonner une consistance à la valeur travail qu’est intervenu le sénateur Montaugé.
« La conférence salariale que mon groupe appelle de ses vœux doit aussi prendre en compte la dimension sociétale du travail et du rapport au travail de nos concitoyens.
La valeur travail repose sur une activité utile, qui fait sens pour celui qui l’exerce comme pour la société. Si elle est amenée à se transformer profondément, elle doit rester au centre du projet collectif national. C’est particulièrement vrai pour les jeunes travailleurs. C’est vrai aussi des métiers de première ligne, que nous avons tous salués pendant la pandémie, mais qui ont trop vite été oubliés depuis.
Pouvez-vous nous présenter les actions éventuelles que vous menez pour construire ou redonner à la valeur travail la place qui devrait être ou redevenir la sienne ? Auprès de qui menez-vous ces actions ? Comment ? Et quel résultat quantifiable ont-elles ? Il va de soi que le salaire est un moyen fondamental pour atteindre cet objectif, mais il ne me paraît pas être le seul.
Portez-vous une conception extensive de la notion de travail ? Le travail doit-il être limité aux formes qu’on lui connaît classiquement ? Ne faut-il pas le penser autrement, comme une contribution au service de la société et de sa cohésion ? »
Madame Carole Grandjean a ensuite répondu au sénateur Montaugé :
« Monsieur le sénateur, je tiens à vous remercier de cette question, qui me permet d’évoquer les travailleurs de la seconde ligne, dont nous avons déjà largement salué l’engagement, notamment durant la crise de la covid.
Je voudrais d’abord rappeler tout ce que le pays doit à ces 4 millions de travailleurs de la deuxième ligne : agents d’entretien, facteurs, hôtes de caisse, conducteurs de bus… Ils ont rendu possible la vie quotidienne de nos concitoyens pendant la crise.
J’ai évoqué tout à l’heure le rapport que Christine Erhel et Sophie Moreau-Follenfant ont remis au ministre du travail. Celui-ci a bien établi que ces salariés gagnaient 30 % de moins en moyenne que les autres. Je crois que cela répond bien à votre remarque. Ce rapport montre aussi que ces salariés ont des conditions de travail plus morcelées : horaires atypiques, temps partiels, succession de contrats courts…
En 2019, le taux moyen de pauvreté était de 14,6 % pour l’ensemble de la population, mais de 6,9 % pour les salariés. Le travail apparaît donc comme un antidote efficace contre la pauvreté.
Le taux de pauvreté est de 15,1 % pour les salariés à temps partiel, et il atteint même 24 % pour les salariés à temps partiel dont la quotité de travail est inférieure à 50 % du taux plein. Même si l’on augmentait les salaires, ce serait insuffisant. Pour ces salariés, la question est de pouvoir travailler à temps complet.
Il s’agit de créer les conditions permettant à ces travailleurs de trouver des contrats plus stables à temps complet. C’est un objectif majeur du Gouvernement. Pour l’atteindre, nous mettons en œuvre des programmes spécifiques dans le cadre de France Travail et nous incitons les entreprises à utiliser des contrats plus stables, notamment par la réforme du bonus-malus.
Suite à cette réponse Franck Montaugé a répliqué :
« Madame la ministre, sans remettre en question votre bonne volonté, je ne suis pas sûr que vous ayez bien compris ma question. Je vais donc essayer de l’illustrer.
Je suis de ces générations qui ont vécu – je pèse mes mots – le dédain, la dévalorisation des métiers manuels et des formations courtes.
Votre réponse est centrée sur la question des salaires. C’est un des aspects très importants du sujet. Mais votre propos n’a pas pris en compte le problème dans toute son ampleur.
Les enjeux de reconnaissance, et pas seulement par le salaire, sont considérables. Or votre gouvernement n’y fait aucunement face : aucun plan ne prend en compte cet aspect fondamental de la question. Je le regrette. Mais il n’est jamais trop tard. Je me tiens à votre disposition pour en discuter, madame la ministre. »