Dans le cadre de la discussion cette nuit au sénat du projet de loi « climat résilience », le sénateur Franck Montaugé a fait adopter l’amendement n°1668 qui introduit à l’article L.1 du « Livre préliminaire » du Code rural définissant les « Objectifs de la politique en faveur de l’agriculture, de l’alimentation et de la pêche maritime », les externalités positives de l’agriculture prenant notamment la forme de services environnementaux ou d’opérations d’aménagement du territoire.
Après le 10° du I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …°De reconnaitre et mieux valoriser les externalités positives de l’agriculture, notamment en matière de services environnementaux et d’aménagement du territoire ; ».
Les services environnementaux pourront être valorisés sous forme de « paiements pour services environnementaux » (PSE). Les PSE sont en effet un outil pouvant allier une nécessité économique à une attente sociétale, en valorisant les externalités positives (*) de l’agriculture, c’est-à-dire les effets positifs de l’agriculture sur les écosystèmes et les terroirs, en général peu ou pas reconnus et non rémunérés, pouvant être engendrés par des modes de production ou des pratiques adaptés.
Franck Montaugé estime que les PSE permettent de sortir de la seule logique, au demeurant toujours nécessaire, de compensation des surcouts ou des manques à gagner qui domine actuellement dans les politiques agricoles, pour encourager, en les rémunérant dans la durée et si possible hors du cadre de la Politique Agricole Commune (PAC), les éléments de préservation et de valorisation de la biodiversité ainsi que les pratiques qui permettent d’améliorer la santé et l’efficacité agronomique, climatique et environnementale des écosystèmes.
Dès 2018, « nous avions porté en séance publique une proposition de résolution en faveur de la reconnaissance et de la généralisation des PSE » rappelle le sénateur Montaugé. Par le vote de cet amendement au sénat, c’est la première fois en France que ce concept trouve un fondement, une traduction législative. Ces PSE permettront de lier reconnaissance sociétale, meilleure valorisation économique et prise en compte des besoins environnementaux et sanitaires.
En 2020, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) produisait 3 guides à destination des collectivités locales, des acteurs privés et des services et établissements de l’État pour favoriser le déploiement des PSE en agriculture.
Que sont les PSE en agriculture ?
Ce sont des dispositifs qui rémunèrent les agriculteurs pour des actions qui contribuent à restaurer ou maintenir des écosystèmes dont la société tire des avantages : les biens et services écosystémiques.
Comment les rémunérer ?
Bien évidemment, sous forme pécuniaire, par des aides directes provenant de financements publics ou privé mais d’autres formes de valorisation, moins classiques, pourraient également être envisagées.
Qui peut être concerné ?
Les rémunérations peuvent être instaurées dans le cadre de contrat avec l’État ou ses établissements, les acteurs privés dont les entreprises et les collectivités locales. La valorisation des externalités positives par des PSE présente l’avantage de pouvoir trouver des traductions locales qui seront identifiables par nos concitoyens. État, collectivités territoriales, associations ou entreprises privées présentes sur un territoire peuvent trouver un intérêt à valoriser et encourager les PSE.
Il s’agit bien d’allier un enjeu environnemental local avec une volonté politique et/ou un besoin économique. Par exemple, une entreprise privée peut avoir un intérêt à préserver son activité ou sa ressource première (eau) ou à mieux valoriser son image comme c’est déjà le cas dans le Gers avec Nataïs.
Une association ou une collectivité peut, elle, s’engager pour préserver la biodiversité présente sur son territoire, ses paysages et leur valeur culturelle ou récréative mais également des savoir-faire locaux.
Quelques exemples de PSE et d’externalités positives de l’agriculture :
- La plantation, le maintien et l’entretien des haies sur les parcelles agricoles : stockage de CO2 et d’eau, biodiversité, protection des sols et des paysages, limitations des inondations…
- La protection des paysages bocagers et des paysages ruraux en général,
- En élevage, le stockage du carbone dans les prairies ou la réduction des émissions de carbone, par exemple par l’adaptation de l’alimentation des bovins,
- La préservation de l’eau : des communes ou des acteurs privés ont par exemple établi des conventions avec les agriculteurs pour que soient mises en œuvre des pratiques durables afin de protéger les bassins versants et les ressources en eau,
- L’agrotourisme dont l’œnotourisme,
- La préservation des savoir-faire locaux…
Pourquoi cette traduction législative est importante ?
Car la valorisation des externalités positives de l’agriculture répond à un enjeu de société majeur : celui de la reconnaissance des apports nombreux et divers de l’agriculture à la transition écologique et plus globalement à la vie de la société. Il s’agit désormais de reconnaitre et d’encourager, et non plus seulement de punir ou de compenser.
Il s’agit également de répondre à l’urgence climatique tout en contribuant au développement économique territorial, à la création d’emplois et aux revenus des agriculteurs !
Et maintenant quelle suite pour cette avancée ?
Le sénateur Montaugé rappelle que « l’amendement a été très largement voté par le sénat, après avis favorable de la commission des affaires économiques et du Gouvernement. Il ne devrait donc logiquement pas être remis en question par la commission mixte paritaire qui tentera dans quelques jours de mettre d’accord l’Assemblée nationale et le Sénat sur un texte de loi commun ! ».
Il appartiendra ensuite aux acteurs qui le souhaitent de mettre en œuvre des PSE dans le cadre de leurs politiques de développement, en lien avec les agriculteurs et leurs organisations.
(*) Situation dans laquelle un agent économique profite des effets positifs d’une activité économique sans en payer le prix.