En séance le 30 octobre dernier, le sénateur Franck Montaugé a défendu un amendement visant à améliorer le pluralisme de la recherche en économie et à reconnaître l’école « hétérodoxe » française. Cette intervention s’inscrivait dans le cadre de la discussion du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2027 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur.
A partir des travaux de l’AFEP, Franck Montaugé a souligné le propos de son président d’honneur, le professeur André Orléan qui fait le constat que « l’économie en tant que discipline traverse aujourd’hui une grave crise de légitimité ».
Le sénateur a rappelé « que le mode actuel de recrutement des professeurs ou des directeurs de recherche marginalise les économistes ne s’inscrivant pas dans le cadre de la pensée économique dominante. Dans les faits, le maintien d’un minimum de pluralisme intellectuel dans l’enseignement supérieur et la recherche en économie est remis en cause ». A l’inverse, il a fait valoir que « la tradition hétérodoxe française, riche et diverse, a toujours participé au rayonnement international de la France. Aujourd’hui, face notamment à l’incapacité pour la théorie dominante d’envisager la possibilité ou la prévention de crises financières, les économistes hétérodoxes réclament une réévaluation majeure de la pensée et des politiques macroéconomiques.
La disparition du pluralisme en économie se traduit également par un appauvrissement de l’enseignement de l’économie à l’université. L’offre universitaire en économie est de moins en moins diversifiée. Elle ne répond plus aux attentes des étudiants, qui réclament de manière récurrente un enseignement ancré sur l’analyse du monde réel et des enjeux économiques et sociaux actuels ». Constatant que « l’hégémonie d’une pensée dominante en économie se traduit de fait aussi par un tarissement des financements de la recherche sur certains territoires, avec une concentration des flux financiers vers les universités et laboratoires mainstream », Franck Montaugé en a aussi dénoncé une conséquence qui est de conduire « à de fortes inégalités territoriales, particulièrement pénalisantes pour les universités et les laboratoires de recherche concernés, qui sont généralement constitués de petites et de moyennes structures ».
L’amendement du sénateur prévoit que le Gouvernement crée une nouvelle section « Économie, société et territoire » au sein du Conseil national des universités (CNU), soulignant qu’une nouvelle section « Économie et société » au sein du CNRS irait dans le même sens.
Suite à l’interpellation de Franck Montaugé, la rapporteure de la commission des affaires culturelles du Sénat, Mme Laure Darcos, a reconnu que « des positions dites « hétérodoxes » peuvent ne pas recevoir toute l’attention qu’elles méritent ».
La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Frédérique Vidal, rejoignant Franck Montaugé sur « la nécessité de préserver la richesse de la science dans son pluralisme », s’est montrée réservée sur la création de nouvelles sections. Elle s’est toutefois engagée à « charger l’alliance thématique nationale des sciences humaines et sociales (Athéna) d’une mission pour que les acteurs concernés puissent parler ensemble ».
Franck Montaugé lui a répondu en insistant sur la nécessité d’aller au-delà des échanges de réflexions en donnant une dimension institutionnelle à l’école d’économie hétérodoxe. Il a conclu en rappelant que « depuis une dizaine ou une quinzaine d’années, le nombre d’enseignants et d’enseignants-chercheurs issus de cette école de pensée est en chute libre ». Il a aussi mis en avant le fait que « dans un monde confronté à des problèmes économiques et sociaux considérables, il est nécessaire de mobiliser des approches diverses, complémentaires, parfois contradictoires, mais qui alimentent le débat vers un progrès plus partagé et un meilleur environnement ».