Le Sénat a adopté mercredi soir en nouvelle lecture par 186 voix contre 26 le texte de loi sur la transition énergétique (LTE). « J’ai été sensible à vos explications de vote, notamment celles saluant l’esprit républicain qui a présidé à nos débats », a déclaré la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal qui a salué la qualité du travail accompli au fil des 82 heures de débat. 51 amendements sur 299 ont été adoptés lors de cette nouvelle lecture. « Bousculer les vieilles lunes, encourager les économies, lever les freins à l’innovation: tout cela est rendu possible » a déclaré pour sa part le sénateur Roland Courteau qui se félicite « du beau travail de co-construction accompli » tout en regrettant que quelques points d’achoppement subsistent encore.
Parmi les questions qui continuent de faire débat, il y a celle de la place de nucléaire et du plafonnement de sa capacité de production: 63,2 GW ainsi que l’ont voté les députés (et que le souhaite le Gouvernement), ou 64,85 GW, comme le veulent ceux qui craignent les conséquences d’un plafond trop bas pour l’exploitant? « Beaucoup d’arguments ont été échangés, jusqu’en commission mixte paritaire, pour justifier le seuil de 64,85 GW ou celui de 63,2. Il va donc être difficile d’être original, mais je vous propose de regarder le problème sous un autre angle: celui des nécessités pour notre pays de faire évoluer son mix énergétique », a déclaré le sénateur Franck Montaugé qui présentait, avec les membres du groupe socialiste et républicain, un amendement visant à remplacer le chiffre de 64,85 par celui de 63,2.
« Si nous sommes d’accord sur le plafonnement à 50% du nucléaire dans la production d’électricité, si nous sommes d’accord sur l’évolution structurelle du mix énergétique au profit des énergies renouvelables qui représenteront 40% de la production d’électricité en 2040 (et nous le sommes, puisque ces objectifs ont été très largement approuvés sur ces bancs), alors il nous faut convenir que la puissance nucléaire installée doit logiquement diminuer ! », dit-il. Que représentent ces 64,85 gigawatt par rapport aux 63,2 que souhaitent le gouvernement? « L’écart est de 2,5% en puissance installée, explique Franck Montaugé. Et si on regarde l’impact sur la consommation globale d’électricité, il est en réalité de l’ordre de 0,4% puisque, on le sait, le nucléaire représente dans notre pays 16% de la consommation d’énergie finale. Parce qu’il remet à sa juste place et en perspective le nucléaire dans le mix énergétique français, ce petit raisonnement simple permet de relativiser objectivement le différend qui nous oppose, dit-il encore. Ce différend porte aujourd’hui sur 0.4% de la consommation d’énergie et bien moins dans les années à venir car l’évolution que nous voulons tous du mix énergétique le rendra encore plus faible. La sagesse de notre assemblée doit nous amener à le reconnaître unanimement en retenant dès maintenant le seuil de 63,2 GW. Un seuil qui fait sens par rapport aux intentions de la France et un seuil qui ne remet pas en question l’excellence et l’avenir, en particulier au niveau international, de la filière nucléaire française, » a conclu Franck Montaugé.
Un raisonnement qui n’aura pas été entendu par la majorité de droite puisqu’au terme de nombreux échanges et après que le président de la commission des affaires économique ait demandé un vote public, cet amendement est finalement rejeté par 218 voix contre 120. Pour autant, le sujet n’est pas encore clos, puisque l’Assemblée nationale qui avait adopté une première fois le principe du plafonnement à 63,2 GW, doit désormais se prononcer à son tour en deuxième lecture.
« Préserver le principe de péréquation tarifaire national »
Au fil de la discussion, plusieurs points positifs ont été conservés dans la loi. Ainsi en est-il du principe de la péréquation tarifaire qu’un amendement voulant donner aux territoires insulaires non-interconnectés la possibilité de faire appel à d’autres opérateurs qu’EDF risquait de mettre à mal. Présenté par le groupe écologiste, cet amendement visait à créer une situation particulière pour les îles de moins de 2000 clients, des territoires qui n’intéressent pas les grands opérateurs. Les sénateurs n’ont pas voulu prendre le risque d’enfoncer un coin dans le principe de péréquation tarifaire en ouvrant ces marchés à d’autres opérateurs, de surcroît potentiellement moins fiables. « Il faut être très précautionneux par rapport à ce principe fondamental du service de l’électricité », a plaidé le sénateur Montaugé (voir vidéo ci-dessous) qui estime par ailleurs que « l’Etat a les moyens de faire bouger l’opérateur principal (ERDF) ».
Enfin, autre point positif, à l’issue de cette nouvelle lecture le Sénat a conservé le principe adopté le mois dernier par la commission des affaires économiques de l’interdiction des coupures d’eau pour les consommateurs n’ayant pas payé leurs factures (lire ici). En première lecture, la majorité de droite du Sénat avait adopté un amendement UMP qui autorisait ces coupures en cas d’impayé, malgré le combat mené en particulier par Roland Courteau qui, au nom du groupe socialiste, dénonçait « l’humiliation et la violence pour une famille que représentait l’interdiction de l’accès à l’eau, l’eau étant un besoin essentiel de la personne humaine ».
Désormais adoptée par le Sénat, la loi va maintenant retourner une dernière fois devant l’Assemblée nationale (voir ici le dossier législatif). « Pour nos concitoyens, la transition énergétique, ce sont les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la baisse des factures d’électricité, l’économie circulaire: c’est ainsi que nous ferons émerger une social-écologie et que nous préparerons l’avenir », a déclaré en conclusion la ministre de l’Environnement. Ségolène Royal invite maintenant les parlementaires à s’impliquer dans la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris (Cop 21) qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015.
Voir un extrait de la discussion: