Le sénateur du gers Franck Montaugé s’inquiète des conséquences pour un certain nombre de communes de la perte à compter du 1er juillet 2017 de leur classement en « zone de revitalisation rurale » (ZRR) [1] consécutive à la mise en oeuvre de la loi de finance rectificative pour 2015.
« Le classement en ZRR sera désormais réalisé au niveau de l’intercommunalité, sans distinction entre les communes la composant et en tenant compte de deux critères : la densité de population et la richesse des habitants », rappelle le sénateur Montaugé dans la question orale qu’il a posée, ce mardi, au ministre de l’Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales Jean-Michel Baylet.
« Selon la carte actuelle des EPCI, le nouveau classement en ZRR entrainerait la perte de ce statut pour 4 000 communes, ajoute Franck Montaugé. Par ailleurs, la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale, réalisée dans le cadre de la loi NOTRe, engendre dans certains cas de fusion des augmentations de densité de territoire préjudiciables au maintien de nombreuses communes rurales ou hyper–rurales dans le dispositif des ZRR. C’est typiquement le cas lorsqu’un EPCI « rural » de type communauté de communes à très faible densité de population, vient fusionner avec un EPCI de type agglomération dont la commune centre augmente très sensiblement la densité démographique du nouvel EPCI issu de la fusion. Pour autant, dit-il, les raisons d’être du dispositif de ZRR demeurent pleinement au regard des caractéristiques rurales voire hyper rurales des communes concernées.
« Le dispositif législatif actuel va donc fragiliser l’attractivité des territoires sortant du dispositif ZRR », estime Franck Montaugé qui souhaite connaître, dans l’attente de dispositions futures permettant une prise en compte des fragilités économiques de ces territoires ruraux et hyper-ruraux,
- d’une part, si des mesures transitoires pourraient être envisagées afin qu’une commune concernée par un déclassement suite à son intégration dans un nouvel EPCI continue de bénéficier des exonérations prévues pour les ZRR ?
- d’autre part, si les exonérations de CFE en cours au titre de la ZRR amenée à disparaître au 1er juillet 2017 seront applicables pour la durée restant à courir ?
« La réforme des critères de classement en ZRR a été votée en décembre 2015 et elle est consécutive au rapport des députés Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier d’octobre 2014, rappelle en préambule de sa réponse Jean-Michel Baylet, ministre de l’Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. « Cette réforme, dit-il, reprend très largement leurs préconisations. » Les critères de classement qui étaient jusqu’à présent établis soit au niveau de l’intercommunalité, soit au niveau du canton, soit au niveau de l’arrondissement, ne seront désormais établis qu’au niveau de l’intercommunalité en tenant compte de deux éléments: la densité démographique et le revenu des habitants des territoires.
« L’exonération de l’impôt sur les sociétés pourra aller jusqu’au 31 juillet 2025, soit huit années au-delà de la réforme » –J.-M. Baylet, ministre
« Le gouvernement a veillé à ce que les futurs critères permettent de maintenir globalement au niveau national le même nombre de communes classées en ZRR ce qu’ont confirmé les simulations, même s’il y a dans chaque département des changements nombreux, poursuit M. Baylet. « Sur ces bases là, pour le département du Gers qui vous intéresse, les données font apparaître que seuls quatre des nouveaux EPCI ne seraient pas en ZRR, non du fait de leur densité démographique mais du niveau de revenu fiscal médian de leurs habitants. Et pour être encore plus précis quant à votre centre d’intérêt, la communauté d’agglomération Grand Auch Coeur de Gascogne, avec un revenu fiscal médian des habitants de 19951 euros alors que le plafond de classement est de 18664 euros, ne sera effectivement plus classée au titre des ZRR. »
« Concernant votre question quant à la sortie du dispositif je veux vous confirmer que l’ensemble des exonérations fiscales et sociales dont bénéficient l’entreprise et les associations sont maintenues jusqu’au terme de cette exonération quel que soit désormais le statut des communes ou des intercommunalités. Par exemple, l’exonération de l’impôt sur les sociétés pourra aller jusqu’au 31 juillet 2025, soit huit années d’exonérations au-delà de la réforme. »
Dans sa réplique au ministre, Franck Montaugé indique que « pour le territoire qui est le [sien], Grand Auch Cœur de Gascogne, issu de la fusion d’une communauté de communes très rurale avec une communauté d’agglomération déjà rurale, au 1er juillet 2017, 29 communes sur 34 sortent du dispositif ZRR. À la lumière de l’expérience, dit-il, on mesurera vite que les problématiques qui caractérisent des secteurs extrêmement ruraux ne sont en rien modifiées du fait de la création d’agglomérations ou de communautés de communes à la géographie XL ou XXL. »
« Pour ce qui est des ZRR, quand la loi prévoit que dorénavant l’éligibilité à un dispositif de revitalisation rurale doit s’apprécier à l’échelle géographique du territoire de l’agglomération, elle considère:
- soit que la communauté d’agglomération dispose de la capacité juridique et financière d’organiser un dispositif palliatif,
- soit que l’intégration d’une commune dans le périmètre géographique d’une agglomération fait ipso facto disparaître les particularismes (comme le déclin de la population et/ou la forte proportion d’emplois agricoles) qui jusqu’alors avaient motivé l’application de dispositifs spécifiques.
« Pourtant les statuts d’une agglomération ou d’une communauté de communes ne lui permettent pas de décider d’exonération de CFE. Et de surcroît leurs budgets, dont on pourrait considérer qu’ils profitent d’un niveau de dotations élevé leur permettant de se rendre présent dans des domaines où des aides auraient disparues, connaissent une contraction extrêmement préoccupante. Non seulement du fait de la contribution de la réduction de la dette publique, mais aussi et plus encore du fait du complet chamboulement de la strate des agglomérations qui, en raison de la réécriture des périmètres intercommunaux, diminue sensiblement le niveau de dotation.
« Pour ces raisons et d’autres, conclut Franck Montaugé, il nous faudra revenir sur la place des territoires ruraux dans notre pays, fussent-ils partie d’une agglomération. La discussion d’une loi de programmation pour le développement des territoires ruraux et hyper-ruraux pourrait en être l’occasion prochaine. »
[1] – Zones de revitalisation rurale (texte Légifrance)