Le sénateur Franck Montaugé est intervenu ce matin à la tribune du Sénat dans le cadre du débat sur les conclusions du rapport d’information « Demain les robots : vers une transformation des emplois de service ». Une question cruciale qui bouscule la définition du travail et interroge sur la place de l’Homme dans la société.
« Plus encore que le devenir des emplois de service, la question de la robotisation toujours plus sophistiquée par le développement de l’intelligence artificielle (IA) pose la question de la transformation profonde du travail et de sa place dans la société, déclare Franck Montaugé. Yann Le Cun, grand spécialiste français de l’intelligence artificielle, lauréat du prix Turing, nous dit qu’ il n’est pas sûr que la révolution de l’IA profite à tous. Il estime que tous les métiers sont concernés par ce changement et que l’IA rend plus précieux ce avec quoi elle ne peut rivaliser, ce qu’il appelle l’expérience humaine authentique faite d’émotion, de sensation, de relation humaine unique, valorisée sur les marchés bien davantage que les biens de grande consommation dont les coûts de consentement sont toujours davantage réduits par la robotisation. »
« L’économiste Pierre-Noël Giraud, professeur à Mines Paris Tech que la mission stratégie industrielle a auditionné, considère, lui, que nous pourrions aller vers une proportion importante d’hommes inutiles, c’est son terme, dans une économie globalisée qui dilue toujours plus les classes moyennes, intermédiaires, pour ne laisser d’un côté que des acteurs productifs mobiles et de l’autre, des acteurs assujettis, des sédentaires qui sont au service de ces nomades créateurs de valeur. »
« La nature humaine étant ce qu’elle est, je suis convaincu, poursuit Franck Montaugé, que tout ce qui est techniquement possible sera fait, tôt ou tard, et que cette situation inéluctable donne au Politique une responsabilité particulièrement forte. Les points de vue de spécialistes que je viens d’évoquer alertent et appellent à la responsabilité les gouvernements, les États, pour anticiper et construire ce monde en gestation. »
S’adressant à Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, Franck Montaugé interroge: « Pouvez-vous nous dire par quelles politiques publiques à destination du plus grand nombre de nos concitoyens votre Gouvernement appréhende ces bouleversements sociétaux et comment vous comptez associer les forces vives de la Nation, je pense aux corps intermédiaires et aux intellectuels notamment, à la réflexion et à la construction de cet avenir commun aujourd’hui problématique ? »
« L’histoire du monde est peuplée de révolutions technologiques qui ont fait croître le même type de craintes que celles auxquelles nous nous confrontons, a répondu M. Fesneau. Le Gouvernement y répond par la formation qui donnera de la visibilité aux travailleurs sur les changements à venir. Nous veillons aussi à ce que la robotisation ne remette pas en cause notre souveraineté, dans le cadre européen, et ne devienne pas le moyen de détourner notre droit du travail et notre modèle de société. »
Pour Franck Montaugé, « la redéfinition du concept de travail dont les acceptions sont variables dans le monde, est une nécessité qui ne souffre pas la procrastination. Avènement généralisé du numérique dont la robotisation est un aspect majeur, transition écologique, réduction des inégalités entre pays mais montée des inégalités dans nos sociétés et concomitamment des populismes justifient que la France porte sa voix et sa vision dans le débat national et international. Jusqu’en 2018, les responsables des relations internationales du ministère du Travail ont travaillé en ce sens dans le cadre de la chaire France-BIT et sous des gouvernements de tous horizons politiques. L’OIT a fêté son centenaire en 2019. Le gouvernement actuel a décidé de supprimer tout soutien à la recherche et de faire disparaître la chaire. J’y vois une fermeture d’esprit préjudiciable à la place que doivent avoir les femmes et les hommes dans une société juste et solidaire », estime-t-il.