A l’occasion de l’examen de la mission « Economie » du projet de loi de finances pour 2024, Franck Montaugé, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques du Sénat, est intervenu à la tribune pour faire part de son analyse des crédits alloués à l’industrie.
Dans son propos, il a regretté le peu de lisibilité des fonds concernant l’industrie en raison de leur dilution dans différents programmes tels que le « fonds vert » ou le plan de relance « Mission Investir pour la France de 2030 ». L’absence d’une vision synthétique et sectorisée des crédits destinés à l’industrie empêche d’apprécier objectivement la stratégie du Gouvernement qu’est censé refléter le budget.
Si la reconduction et l’élargissement du dispositif « Territoires d’Industrie » (qui profitera à deux nouveaux EPCI gersois en sus des quatre précédemment labellisés (lire ICI)) est à saluer, il n’en demeure pas moins que l’enveloppe dédiée à l’industrie apparait trop réduite pour accompagner les TPE-PME dans la transition et la décarbonation.
« Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me suis plus particulièrement penché, au nom de la commission des affaires économiques, sur les crédits de la mission « Économie » relatifs à l’industrie. Comme chaque année, j’ai le regret de constater qu’ils ne reflètent pas du tout les moyens accordés à la politique industrielle de notre pays.
Dans le maquis des documents budgétaires, j’ai compté, en étant généreux, 1,5 milliard d’euros. Évidemment, la force de frappe de France 2030, avec ses 54 milliards d’euros, est sans commune mesure. Pour le reste, lorsque l’on parle de décarbonation, de réhabilitation du foncier industriel, tout passe par le fonds vert, c’est-à-dire hors du périmètre d’intervention de la commission des affaires économiques. N’est-ce pas un peu paradoxal ?… J’y reviendrai.
Deux éléments m’inquiètent dans ce budget.
Premièrement, la seule aide à l’industrie qui augmente réellement est, comme les années précédentes, la compensation carbone, qui dépasse cette année le milliard d’euros. Certes, ce dispositif est tout à fait essentiel pour préserver la compétitivité de nos industries électro-intensives exposées à la concurrence internationale. Il est d’ailleurs mis en œuvre par tous les autres grands pays européens, y compris, et surtout, par nos amis allemands. Cependant, son coût risque d’exploser à mesure que nos entreprises vont s’électrifier pour décarboner leur production.
J’invite aussi le Gouvernement à réfléchir bien en amont à la manière de soutenir nos industries qui pâtiront de la disparition des quotas carbone gratuits, lorsque la taxe carbone aux frontières entrera réellement en vigueur en 2026. Nous y serons très attentifs, monsieur le ministre, de même qu’à la question du prix de l’électricité, dans le système post-Arenh, bien sûr, mais aussi d’ici à 2026.
Le différentiel de prix de l’énergie fait sans doute plus pour l’attractivité des États-Unis que les subventions de l’Inflation Reduction Act (IRA*), qui ont cependant leur efficacité propre.
Pour en revenir au budget, à mesure que la compensation carbone augmente, le reste des aides à l’industrie est réduit à la portion congrue. Or ce sont ces dépenses, pilotables qui devraient permettre de soutenir la transition vers une industrie plus en phase avec les changements d’usage et avec les enjeux climatiques et environnementaux.
Tout ne peut pas passer par les grands appels à projets de France 2030, nos TPE-PME étant trop souvent mal outillées pour y répondre. Or ce sont elles qui font vivre nos territoires, et les enjeux de l’industrie de demain ne concernent pas que les gigafactories (1).
J’en profite d’ailleurs, monsieur le ministre, pour saluer –il faut bien saluer ce qui marche… Vous voyez où je veux en venir ?… Je salue donc la reconduction pour la période 2023-2027 du programme Territoires d’industrie.
En conclusion, j’émets, au nom de la commission des affaires économiques, un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Économie », que je subordonne toutefois à l’adoption de l’amendement que je vous présenterai tout à l’heure, toujours au nom de la commission. Cet amendement a pour but de clarifier ce qui relève du périmètre de la mission « Économie », ce qui nous aidera à faire correctement notre travail d’évaluation et de contrôle parlementaire.
(*) Disposition des Etats-Unis de soutien direct, par subvention, aux entreprises localisées sur leur territoire.