Mardi 31 juillet, lors de la séance des questions au Gouvernement, le sénateur Franck Montaugé a posé une question à Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Economie et des Finances, concernant la stratégie « relations clients » du groupe Engie.
« Depuis 10 ans, le groupe Engie a fermé 19 de ses 32 sites de Relation clients, supprimé 1000 emplois et il a externalisé 85% de ses activités clientèle dont 30% à l’étranger. Cette hémorragie s’est encore accélérée depuis 2 ans par des délocalisations au Cameroun et au Sénégal, après le Maroc, le Portugal et l’île Maurice. Près de 3000 emplois sont actuellement menacés par cette stratégie de délocalisation vers des pays à bas coûts de main-d’œuvre. Ces délocalisations généreront des économies dérisoires – de l’ordre de 7 millions d’euros – à comparer aux 1,4 milliard d’euros de bénéfices réalisés par le groupe en 2017. Ceci dans le cadre d’un marché de 11 millions de clients générant 6 milliards d’euros de chiffre d’affaire. »
« De surcroit, ajoute Franck Montaugé, cette stratégie fait fi de la dimension humaine du sujet. Elle prévoit par exemple la formation du personnel à l’étranger par ceux-là mêmes qui demain verront leur emploi en France supprimé ! Ces milliers d’emplois sont pourtant souvent indispensables à l’économie locale française et à la cohésion des territoires. Certains de ces territoires seront considérablement affaiblis par la disparition de ces centres de Relation clients et de leurs emplois. »
« Lors d’une récente audition par la commission des affaires économiques du Sénat, Mme Kocher, directrice générale d’Engie, a indiqué aux commissaires, je cite, qu’ « il n’y pas d’avenir pour la relation clients ». Comment faut-il comprendre cette déclaration ? Quelle appréciation l’État, actionnaire principal à hauteur de 24,1% du capital et qui détient 28,1% des droits de vote, porte-t-il sur cette stratégie d’entreprise ? Faut-il comprendre qu’Engie s’apprête à vendre ce portefeuille de 11 millions de clients dans le cadre par exemple de l’entrée de nouveaux partenaires au capital en compensation du retrait de l’Etat comme pourrait le permettre in fine la loi Pacte ? Enfin, quelles mesures l’Etat compte-t-il prendre pour préserver l’emploi de ces activités de Relation clients en France pour relocaliser ces activités en France ? »
« Avant de vous répondre sur le fond, sachez que l’État est particulièrement attentif à la dimension sociale de la transformation en cours du groupe Engie, a déclaré en préambule à sa réponse la secrétaire d’Etat. À cet égard, dit-elle, il faut signaler que le groupe a signé en avril 2016, avec trois fédérations syndicales européennes, un accord impliquant qu’une offre d’emploi au sein du groupe soit proposée à tout salarié concerné par des réorganisations. Cet accord prévoit en outre un important effort de formation. »
« Sur le fond, poursuit la ministre, la décision d’Engie d’externaliser une partie de son service client résulte d’une intensification de la concurrence sur ses marchés, en lien avec la dérégulation des marchés de l’énergie. Le groupe a traversé une crise profonde jusqu’en 2016, à l’image des énergéticiens européens. Les entreprises possédant un large portefeuille clients sont confrontées à la nécessité de réduire leurs coûts tout en proposant un service en ligne avec les standards actuels, reposant sur les technologies numériques et une approche multicanal. Elles procèdent à une externalisation croissante des formes d’interaction avec la clientèle, avec des opérateurs basés à l’étranger proposant des prestations moins onéreuses sur une plage calendaire et horaire élargie et, parallèlement à cela, au déploiement d’outils avancés de CRM intégrant l’apport de nouvelles technologies faisant appel notamment à l’intelligence artificielle.
« Ce double mouvement d’externalisation des activités à faible valeur ajoutée et de recours croissant à des éditeurs de solutions et entreprises de service numérique spécialisées s’inscrit dans la transformation numérique du processus. Les entreprises françaises spécialisées dans la relation client tiennent, avec la transformation numérique, l’occasion de rebondir. Le groupe Engie a ainsi tout récemment confié à des sociétés françaises l’intégration de la relation client numérique multicanal dans son système d’information. Dans ce contexte, les professionnels concernés et le Gouvernement travaillent au renforcement des atouts de nos entreprises et plus généralement à l’attractivité de notre pays », conclut Mme Gény-Stephann.
« Où est la dimension humaine dans la position que vous venez d’exprimer en tant que représentante de l’actionnaire majeur qu’est l’Etat français? Où est la dimension territoriale dans la politique que vous venez de nous exposer?, s’interroge le sénateur du Gers en réponse à la ministre. Une fois de plus, hélas, je constate que la question financière, la question de la rentabilité du capital prime sur toute autre considération, et c’est dommage. »
« L’Etat est aujourd’hui en situation de faire cesser les délocalisations abusives et il peut, s’il le veut, initier la relocalisation de ces emplois en France. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication pourraient tout à fait être mises en oeuvre sur le territoire national en même temps que l’emploi serait préservé et également l’économie de ces territoires. En 2017 en Italie, 13 grandes entreprises ont signé avec le gouvernement italien un protocole limitant à 20% les délocalisations des centres d’appels. Engie pourrait mettre en œuvre en France un code de bonne conduite comparable, avec l’ensemble des acteurs. C’est ce que nous demandons à l’Etat actionnaire d’impulser. Il en les moyens politique s’il le veut, et je souhaite qu’il le veuille. »