Mercredi 9 février 2022, le Sénat a définitivement adopté le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, par 301 voix pour et 32 voix contre (voir les résultats du scrutin public). Déposé le 12 mai 2021 par Jacqueline Gourault, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, ce projet de loi visait à « construire une nouvelle étape de la décentralisation ».
Malgré l’ambition modeste et la portée décentralisatrice réduite du texte final issu des conclusions de la commission mixte paritaire, le sénateur Montaugé a voté en faveur de ce projet de loi compte tenu des quelques dispositions utiles qu’il comporte néanmoins. Parmi celles-ci peuvent être citées :
- les régions et départements, par délibération de leur assemblée, pourront désormais soumettre au Premier ministre des propositions de modification ou d’adaptation législatives ou réglementaires. Cette mesure pourra permettre d’initier le principe de différenciation qui reste somme toute marginal.
- le transfert à la carte des compétences facultatives. La possibilité nouvelle d’un transfert « à la carte » des compétences facultatives des communes vers l’établissement public de coopération intercommunale. Ce transfert ne pourra concerner que les compétences facultatives. Dans un cadre institutionnel préservé pour les territoires, les communes et les intercommunalités restent maîtres de leurs prérogatives.
- les mesures de régressions sociales de la majorité sénatoriale, notamment en matière de Revenu de Solidarité Active (RSA), ont été supprimées du texte final. Deux expérimentations sont rendues possibles, la première relative à la recentralisation du RSA, la seconde en matière de lutte contre le non-recours aux droits et prestations sociales (rappelons que près d’un bénéficiaire potentiel sur trois ne le touche pas).
- un compromis sur le transfert des routes nationales a été trouvé. Si le texte ne garantit pas formellement de droit de priorité aux départements en cas de demandes concurrentes entre un département et une région, il privilégie les départements eu égard à leur expertise technique en matière de routes et inscrit la nécessaire cohérence des itinéraires et des moyens d’exploitation et de maintenance.
- enfin, sur des secteurs déterminés, tels que les mobilités, le logement ou la culture, le texte comprend plusieurs mesures utiles qui confèrent de nouveaux pouvoirs aux élus. Ainsi, la possibilité pour les conseils régionaux de développer des systèmes ferroviaires autonomes de transport léger sur d’anciennes voies ferrées en zone peu dense ; la possibilité pour les gestionnaires des résidences universitaires de louer leurs logements vacants pour de courtes durées à des publics prioritaires comme les personnes mal logées ou exposées à des situations d’habitat indigne ; la possibilité pour les communes et départements de verser des subventions pour la création de salles de cinémas de petite taille ou d’art et d’essai.
Lors de sa première lecture au Sénat, Franck Montaugé avait déjà souligné (Lire ICI) les effets limités de ce texte qui avait pourtant, à l’origine, suscité des espoirs engendrés notamment par la consultation des élus locaux en amont (Lire ICI). Dans les faits, les avancées espérées ont été très largement tempérées par les positions du Gouvernement et les compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
En effet, de manière générale, la différenciation territoriale, pourtant condition d’une plus grande équité, reste superficielle. Les collectivités ne sont pas non plus confortées dans leur rôle stratégique (le transfert de compétence en matière d’emploi, d’apprentissage et de formation aux régions a par exemple été rejeté). Les élus locaux, aux avant-postes lors de la crise sanitaire, ne pourront pas plus investir les agences régionales de santé (ARS) ou les conseils de surveillance des établissements hospitaliers. Enfin, quoique pérennisée, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) voit ses effets limités par les nombreuses concessions de la majorité présidentielle notamment en matière de sanctions financières des communes récalcitrantes.
Autant de regrets qui sont la preuve que les chantiers sont encore nombreux en matière de décentralisation. Pourtant, le « Grand Débat » ou la crise sanitaire ont démontré les limites et les travers de la centralisation excessive. Si l’Etat ne doit pas s’effacer devant les collectivités territoriales, il doit en être le partenaire. « L’État doit assurer l’unité nationale et l’égalité entre ses citoyens où qu’ils se trouvent sur le territoire. L’État centralisateur n’est plus seul le garant de ces principes et les moyens doivent être donnés aux collectivités pour répondre aux besoins de leurs administrés. » déclare Franck Montaugé.
« Enfin, il est nécessaire que l’État garantisse aux collectivités les moyens de leur autonomie financière par la création d’une loi de financement des collectivités territoriales, la redéfinition du ratio d’autonomie financière, la révision des dotations de l’État, la réforme fiscale ou encore la compensation intégrale et évolutive de transfert de charges de l’État. C’est un chantier considérable et je souhaite que le prochain quinquennat permette d’en bâtir les fondations. » ajoute-t-il.