Co-rapporteur du groupe de travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur “le rôle des collectivités territoriales, leviers de développement des ruralités”, le sénateur du Gers Franck Montaugé a participé, jeudi 7 novembre, au colloque organisé par le Sénat sur ce même thème. Franck Montaugé a notamment a introduit l’atelier traitant de la question “Nouer des alliances et articuler les territoires” auquel participaient en tant que témoins Mme Dominique Faure, maire de Saint-Orens, vice-présidente au développement économique de Toulouse Métropole, et M. Hervé Lefèbvre, maire de Samatan, vice-président du pays Portes de Gascogne et président de la communauté de communes du Savès.
“Si elle donne parfois de beaux résultats comme nos invités Hervé Lefebvre et Dominique Faure en témoigneront dans quelques instants, la coopération inter-territoriale reste un petit peu dans l’angle mort des relations que les territoires administrés peuvent avoir entre eux… par la médiation ou pas de l’Etat”, a déclaré M. Montaugé. “Sans faire une évaluation aboutie des relations entre les métropoles et leurs territoires environnants, le récent rapport conjoint du CGET, de France urbaine et de l’AdCF en témoigne. Pourquoi les contrats de réciprocité n’ont-ils pas fonctionné ? Le contre-exemple remarquable de Toulouse Métropole et du PETR Portes-de-Gascogne nous permettra, grâce à nos invités, d’en tirer des enseignements transposables à d’autres relations de ce type. Mais ne faut-il pas, avec l’aide des travaux des chercheurs et les concepts de cette approche originale qu’est la nouvelle économie de la géographie, objectiver, porter à la connaissance des acteurs et des citoyens la richesse effective et potentielle de l’échange de biens entre territoires ? Que ces biens soient matériels ou immatériels – je pense à la culture et au patrimoine -, qu’ils revêtent le caractère de services environnementaux ou d’externalités positives pour les écosystèmes ruraux ou urbains par exemple. La diversité des échanges est en réalité considérable !”, poursuit Franck Montaugé.
“Et ces relations inter-territoriales, dit-il, constituent certainement des leviers de création de valeur et de bien-être. Laurent Davezies et Philippe Estèbe utilisent la notion de systèmes productivo-résidentiels pour qualifier ces territoires articulés, supports d’échanges réciproques qui leur bénéficient de façon mutuelle. Dans une étude de 2015 ils éclairent les mécanismes en jeu et constatent je cite que les métropoles qui fonctionnent bien sont celles qui ont des hinterlands (territoires environnants) permettant un accueil quantitatif et qualitatif positif. Et il rajoute qu’il y a une loi puissante, celle du lien entre dynamisme des villes et qualité résidentielle de leur environnement.”
“Je rajoute, dit encore M. Montaugé, que cela vaut aussi pour nos bassins de vie infra-départementaux, villes moyennes et bourgs-centres sont ici concernés. Le sujet ne se réduit pas aux métropoles. Si l’on partage ces approches qui relèvent de l’observation scientifique des mécanismes de relation territoriale, on doit se poser quelques questions. Comment mieux faire travailler les collectivités, de tailles parfois très différentes, entre elles ? Le témoignage de Dominique Faure nous sera précieux sur la question des représentations mentales qui peuvent être un facteur de blocage des meilleures intentions initiales. Comment impliquer sur les territoires concernés les différentes catégories de collectivités parties prenantes? À cet égard la pratique du PETR Portes-de-Gascogne en matière de management territorial de ce contrat de réciprocité nous sera utile. Enfin, quel cadre de coopération conseilleriez- vous à la lumière de votre expérience ?”
Dans son intervention, le maire de Samatan Hervé Lefèbvre, a d’abord resitué le contexte géographique du contrat d’alliance passé entre Pays Portes-de-Gascogne et Toulouse-Métropole. “Le territoire du pays Portes-de-Gascogne est cinq fois plus étendu que celui de Toulouse Métropole qui, lui, est onze fois plus peuplé, dit-il. La notion d’alliance territoriale sous-entend un projet de territoire, mais également de l’innovation territoriale. Il ne faut pas croire qu’une métropole va venir vers son territoire périphérique comme ça, en disant on est riches, vous êtes pauvres, faites-nous confiance on va vous aider… Il faut avoir une initiative qui peut partir, je peux en témoigner, des territoires ruraux. L’exemple du pays Portes-de-Gascogne est clair puisque dès sa création en 2000, un des objectifs majeurs fut justement de développer une coopération avec le territoire toulousain pour profiter du dynamisme du pôle aéronautique qui est situé à l’ouest de Toulouse et de capter une partie de la richesse liée à ce développement-là.”
“Lorsqu’on est sur un territoire limitrophe, petit à petit on commence à bénéficier de l’impact du développement métropolitain, mais il faut savoir aussi que ce ruissellement n’est pas spontané, il peut se décréter, voire s’organiser par le biais d’une coopération territoriale, poursuit le maire de Samatan. A titre d’exemple, des entreprises du domaine de l’aéronautique à la recherche de surfaces à des prix plus abordables sont venues s’installer sur le territoire de Portes-de-Gascogne comme Latécoère à Gimont ou Equip’Aéro à L’Isle-Jourdain, et ainsi l’aéronautique est devenu le deuxième secteur industriel du Gers après l’agroalimentaire.”
“L’autre point qui me paraît important, ajoute Hervé Lefèbvre, c’est la notion d’aménagement du territoire. Lorsqu’on parle d’alliance, il ne faut pas oublier que cela rejoint une problématique de mise en réseau des territoires entre eux. On a souvent dans les campagnes un sentiment de relégation des territoires ruraux, mais il ne faut pas oublier que du côté des métropoles il y a une saturation des axes routiers, un engorgement. Pour donner un ordre d’idées, Toulouse Métropole accueille à peu près 15000 nouveaux habitants par an et nous nous leur envoyons tous les jours 23000 véhicules! Il y a donc un rapport de force qui n’est pas déséquilibré et, évidemment, on a une écoute de Toulouse Métropole autour de cette problématique de flux pendulaire qui génère tous les jours beaucoup de nuisances.”
“La notion d’alliance territoriale est aussi indissociable de l’enjeu des diverses transitions, transition environnementale, énergétique, numérique, démographique, mais il ne faut pas oublier que la mise en oeuvre de ces transitions impose la nécessité d’une coopération inter-territoriale. Pays Portes-de-Gascogne est un poumon vert pour l’aire métropolitaine à la fois sur le plan récréatif, touristique, mais également en tant que réservoir potentiel de séquestration du carbone émis par la métropole, ce qui sera une richesse incontestable de nos territoires dans cette relation d’alliance dans les prochaines décennies. Enfin, le désenclavement numérique est essentiel au développement des entreprise. Cela rejoint les problématiques de télétravail et d’espaces de coworking qui permettent de gérer un peu ce flux quotidien de véhicules qui partent vers la métropole. N’oublions pas non plus le rôle de régulateur de la densification métropolitaine. Nous avons une réserve foncière abondante, plus abordable pour les actifs urbains, et surtout un cadre de vie qui est jugé de meilleure qualité non seulement par les familles mais aussi par les entreprises.”
“Enfin, conclut Hervé Lefèbvre, je pense que c’est important de parler de construction d’accord stratégique lorsqu’on parle d’alliance. Lorsqu’on décide d’établir un contrat de réciprocité on n’est pas sur un contrat financier du plus riche vers le plus pauvre, on est vraiment sur un choix, une volonté politique conjointe et le partage d’une communauté de destins. Donc nous avons fait le choix de travailler sur le développement économique, sur de la stratégie agricole et alimentaire, sur de l’action culturelle, scientifique et technique, de la mobilité et de la transition écologique. A aucun moment on a été conditionnés par une aide financière mais cela a reposé sur la définition d’un projet commun, de coopération, libre ensuite à chaque territoire de rechercher les sources de financement pour atteindre ces objectifs.”
Dominique Faure, maire de Saint-Orens dans la métropole toulousaine, insiste quant à elle sur la notion de solidarité. “Cette solidarité doit s’exercer dans les deux sens, entre les deux territoires, dit-elle. C’est le seul moyen de faire face aux enjeux auxquels nous sommes confrontés, qu’ils soient écologiques, démographiques ou économiques, qu’ils soient productifs ou qu’ils soient résidentiels. L’objectif c’est bien évidemment qu’aucun de nos concitoyens ne décroche. Et cet objectif doit être partagé entre les deux territoires. Cette solidarité, cette alliance que nous avons bâtie, c’est sa particularité, est véritablement horizontale, transversale, et elle ne fait appel à aucun moyen dédié qu’il soit financier ou qu’il soit humain. C’est un contrat au sens noble du terme où l’on veut véritablement réussir ensemble et être dans une coopération gagnant-gagnant”, dit-elle.
Invité à conclure les échanges, le sénateur Franck Montaugé invite les universitaires et les chercheurs à s’emparer de cette question des relations inter-territoriales. “Ce sujet n’est aujourd’hui pas véritablement connu, pas véritablement appréhendé, et nous avons besoin des chercheurs et des universitaires pour l’objectiver, dit-il. Je crois beaucoup à ça pour organiser le partage d’expériences et de connaissances. C’est le moyen de faire de tous les acteurs des territoires de véritables leviers de développement supplémentaires”, dit-il.
Téléchargez ici le rapport du Plan Urbanisme Construction Architecture
Téléchargez ici le document du Commissariat général à l’égalité des territoires