La transformation de l’économie contemporaine sous l’effet de la numérisation des organisations et des processus a parfois profondément affecté la relation entre travailleur et entreprise. Par extension du concept développé par la plate-forme de taxi UBER, ce phénomène a été appelé « UBERISATION ». Il se caractérise notamment par des travailleurs en situation de grande vulnérabilité, très peu protégés par le droit du travail et le statut de salarié qu’il définit.
Les actions en justice intentées par les travailleurs des plateformes pour faire valoir un statut salarié sont de plus en plus nombreuses en Europe. En France, seulement quelques requalifications individuelles ont été prononcées. Depuis plusieurs années, des initiatives parlementaires proposent des alternatives aux dérégulations provoquées par l’ubérisation de l’économie.
Par exemple, la justice du Royaume-Uni a récemment donné raison à un groupe d’une vingtaine de chauffeurs Uber qui estimaient avoir droit au statut de travailleur, compte tenu du temps passé connectés à l’application et du contrôle exercé par le groupe sur leur évaluation par exemple. L’entreprise américaine spécialisée dans la réservation de voitures avec chauffeurs a annoncé mardi 16 mars 2021 dans un communiqué que l’ensemble de ses plus de 70.000 chauffeurs présents au Royaume-Uni bénéficieraient des avantages du statut de travailleur dès le lendemain. Il s’agit d’une première mondiale pour la société américaine et d’un bouleversement pour son modèle économique. Il faut toutefois préciser que ce statut, même s’il peut être considéré comme un progrès, est peu comparable au statut de salarié du droit français.
C’est dans l’intention de faire accèder ces travailleurs au statut de salarié du droit français que s’inscrit la proposition de loi visant à lutter contre l’indépendance fictive permettant des requalifications en salarié par action de groupe et en contrôlant la place de l’algorithme dans les relations commerciales dont Franck Montaugé est l’un des coauteurs. Cette proposition entend répondre à la redéfinition du statut des travailleurs des plateformes et à une meilleure protection en :
- créant une procédure de requalification par action de groupe (article 1). Une solution d’autant plus juste qu’elle permettrait à nombre de ces travailleurs précaires et pauvres de faire valoir leurs droits devant les tribunaux, eux qui n’en ont aujourd’hui pas les moyens à titre individuel.
- supprimant la présomption de non-salariat issue des lois Madelin de 1994 et Fillon de 2003, et en la remplaçant par une présomption de contrat de travail dès lors que la majeure partie du revenu est issue de l’exploitation d’un algorithme (article 2). Si une plateforme conteste le statut de salarié de l’un ou plusieurs des travailleurs à qui elle fait appel, elle devra prouver leur qualité de travailleurs indépendants.
- donnant la possibilité aux conseils de prud’hommes d’ordonner aux plateformes numériques de travail qui intenteraient des recours pour requalifier des salariés en indépendants, de produire la preuve que l’algorithme n’est pas au centre de la relation contractuelle (article 3).
« L’ubérisation de notre société crée un rapport de force entre les plateformes et les personnes qui travaillent pour elles. Ce rapport est déséquilibré. La crise sanitaire a mis en lumière certains métiers (livreurs à domicile et chauffeurs VTC notamment) révélant leur importance dans les modes actuels de consommation mais aussi l’extrême précarité de ces travailleurs ainsi que le vide de protection sociale et juridique qui les entoure. Il est nécessaire de tenter d’apporter des corrections légales et réglementaires aux dérives qui sont parfois constatées » indique le sénateur Montaugé. « Le droit à la déconnexion, la pénibilité, le contrôle et l’évaluation continus… sont autant de sujets qui restent à traiter pour ces travailleurs » ajoute-t-il.
Comme il l’avait fait précédemment (lire ICI), Franck Montaugé a également cosigné une tribune parue mercredi 17 mars traitant également du thème de l’Ubérisation et du droit du travail. Dans le cadre de ses fonctions, il continue d’être attentif aux impacts de la numérisation de la société.