La commission des Affaires économiques a procédé ce lundi en visioconférence, à l’audition du ministre de l’Economie, M. Bruno Le Maire. Dans le cadre de cette audition, Franck Montaugé, vice-président de la commission des Affaires économiques, a interrogé le ministre sur les conditions de la sortie de crise.
“La résilience de notre économie sera fonction d’abord des mesures de soutien que le Gouvernement a pris et ensuite de l’efficacité des plans de relance qui seront décidés et engagés. Dans la phase actuelle de la crise, les déficits se creusent et notre dette publique s’accumule”, note Franck Montaugé. “A plus long terme, dit-il, le besoin d’argent sera considérable. Les experts nous disent que la monétisation par le rachat des dettes publiques et privées limite le risque d’inflation et que la question du remboursement de ces nouvelles dettes ne se pose pas vraiment à court ni même à moyen terme.”
“On a l’impression d’être entré dans une ère nouvelle où ce qui n’était pas possible avant la pandémie est désormais le remède, sans effet négatif pour quiconque ! Mon interrogation est la suivante monsieur le Ministre: à défaut d’une Union européenne solidaire sur le mécanisme européen de stabilité (MES), la BCE a installé depuis quelques années une politique très accommodante dite d’assouplissement quantitatif (1). Que pensez-vous de ce scénario financier du tout est permis parce que c’est nécessaire (2) ? Est-il adapté à la situation actuelle?”
“La pandémie a révélé pour le France en matière économique deux types de faiblesse : une souveraineté nationale faible dans beaucoup de secteurs stratégiques, une décomposition extrême des chaines de valeur qui présente quelques avantages et beaucoup d’inconvénients.
En quoi la pandémie du coronavirus va-t-elle infléchir votre politique économique et fiscale ? Envisagez-vous un questionnement sur la nature même de la croissance ? Sa dimension qualitative ne doit-elle pas être beaucoup mieux prise en compte ? Avec sa proposition de Fonds européen de reconversion industrielle (3), les déclarations de Thierry Breton semblent aller en ce sens. Et enfin, quelles conséquences durables anticipez-vous pour la France en matière de politique agricole et de PAC pour l’Union européenne ?”
Dans les réponses qu’il a faites à la commission après avoir salué la mobilisation des parlementaires et leur travail sur certains volets de l’application des mesures d’urgence, le ministre a annoncé que plusieurs ajustements allaient intervenir. Il a notamment annoncé que grâce à leurs alertes, les critères d’éligibilité au Fonds de solidarité devraient être revus d’ici la fin de la semaine. En particulier, la période de référence pour le calcul de la baisse du chiffre d’affaires (aujourd’hui, le mois de mars 2019) devrait être élargie afin de faciliter et d’amplifier le recours aux subventions de ce Fonds ; de même, une prise en compte spécifique des professions aux rythmes particuliers de revenu (comme les architectes, par exemple) devrait être prévue.
Dans le cadre du groupe de suivi « agriculture-alimentation » mis en place pour la crise du Covid-19, le sénateur Montaugé propose que les exploitations agricoles fassent l’objet d’un aménagement des critères’d’éligibilité au fonds de soutien pour permettre leur éligibilité. Le ministre a aussi indiqué qu’à la suite des remontées du terrain, une réflexion sur un éventuel report des soldes d’été a été engagée.
Le ministre a également annoncé qu’il saisissait le médiateur du crédit des difficultés rencontrées par certaines professions (agents immobiliers…) en matière d’accès aux prêts de trésorerie garantis par l’État. Il n’a pas non plus fermé la porte à d’éventuelles annulations de charges sociales et fiscales pour les entreprises les plus durement frappées par le virus qui seraient appréciées alors cas par cas.
Concernant la faiblesse des fonds propres des entreprises françaises, le ministre a évoqué la possibilité de nationaliser temporairement certaines entreprises fragilisées ou d’intervenir par le biais d’un apport de fonds propres, en particulier dans les secteurs stratégiques de l’économie française. Pour ce qui concerne la transition énergétique, il a exprimé son inquiétude sur le financement des énergies renouvelables, imputable à la chute des recettes des taxes intérieures de consommation sur l’énergie, ainsi que la nécessité d’une réindustrialisation à l’échelle européenne, à l’instar des projets déjà lancés dans le domaine des batteries électriques.
1 : Le terme assouplissement quantitatif – Quantitative easing (QE) – désigne un type de politique monétaire dite « non conventionnelle » consistant pour une banque centrale à racheter massivement des titres de dettes aux acteurs financiers publics et privés, notamment des bons du trésor ou des obligations d’entreprise, et dans certaines circonstances des titres adossés à des actifs.
2 : Cette politique a été impulsée par le prédécesseur de l’actuelle présidente de la BCE en 2015, pour faire face à la crise de l’€ et contenir la hausse des taux d’intérêt des emprunts contractés par les États dans un contexte de crise de la dette. Elle n’a pas cessé depuis et reste donc d’actualité avec la crise de la pandémie.
3 : Commissaire chargé du Marché intérieur, Thierry Breton estime qu’une mutualisation des dettes sera nécessaire pour préserver les tissus industriels de chaque État membre. Il estime qu’il faut mobiliser plusieurs outils pour financer la relance. Ces outils proviennent de la BCE (banque centrale européenne), du MES (mécanisme européen de stabilité) sur les modalités duquel les membres de la zone € ne sont pas d’accord et de la BEI (banque européenne d’investissement). Pour l’ensemble des états membres le montant total nécessaire au sauvetage du tissu industriel sera de 10% du PNB (produit national brut de l’UE) soit 1600 milliards d’€. Thierry Breton souhaite la mise en place d’un quatrièmeoutil orienté vers l’industrielle de demain à travers ce « fonds européen de reconversion industrielle».