Invité à ouvrir les travaux de la journée consacrée au thème « centres anciens et politique de la ville » de la première Biennale européenne du patrimoine urbain, le sénateur-maire d’Auch Franck Montaugé a défendu l’idée d’un aménagement du territoire conçu et pensé à l’échelle des territoires, dans le respect de leurs spécificités et dans le cadre d’un dialogue et d’une vision portés aux niveaux métropolitain et régional. « Nous avons tous besoin et intérêt en Occitanie à ce que la métropole de Toulouse accède au rang de métropole européenne. Mais en même temps, interroge-t-il, la notion de métropole ne doit-elle pas être pensée en l’élargissant à l’ensemble des départements et des territoires ruraux? »
Alors que la population toulousaine s’enrichit de 30000 habitants par an environ, on observe à l’échelle de la métropole des phénomènes de concentration d’habitat extrêmes qui s’accompagnent d’une densification de l’habitat collectif et d’une difficulté croissante des conditions de circulation, le tout en complète contradiction avec les enjeux environnementaux planétaires. « Peut-on penser et traduire dans les faits le développement à moyen et long termes de l’ensemble du territoire régional, ses espaces hyper-ruraux, ruraux, rurbains et agglomérés étant appréhendés et considérés dans leurs articulations et relations nécessaires à ce développement partagé? », questionne Franck Montaugé. Les nouveaux outils mis à la disposition des élus locaux pour structurer les nouvelles régions devraient permettre d’atteindre cet objectif. Le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (Sraddet), le schéma de cohérence territoriale (Scot) sont autant d’outils à mettre en oeuvre pour penser le territoire de demain de manière raisonnée et harmonieuse.
Cette difficulté à penser le développement à l’échelle d’une grande région en tenant compte de la diversité géographique mais aussi économique ou sociale de ses territoires se retrouve de manière plus concentrée à l’échelle d’une ville ou d’une agglomération. C’est ce que mettait en évidence, ce lundi, le thème de réflexion proposé, à Auch, aux participants de cette journée de la Biennale européenne du patrimoine urbain: « Centre ancien et politique de la ville : une refondation du projet urbain. Réinventer la place de l’habitat social dans le projet urbain. Vivre ensemble en centre ancien. »
« Le contexte auscitain qui est aussi celui du Grand Auch, c’est d’abord un grand quartier d’habitat social qui vient de rentrer dans la politique nationale de la ville pour une raison et une seule: le revenu moyen de ses habitants qui est inférieur à 7500 euros par an. C’est aussi un cœur de ville historique avec une très forte et très ancienne vacance en terme d’habitat, une ville qui s’est fortement mobilisée depuis de nombreuses années à travers la mise en place d’un périmètre de restauration immobilière, des opérations programmées d’amélioration de l’habitat successives qui ont très bien marché, des opérations de modernisation des pôles commerciaux et artisanaux, une candidature de notre part il y a quelques années au plan national de renouvellement des quartiers anciens dégradés qui n’a pas été retenu pour des raisons purement politiciennes, une requalification progressive et forte des espaces publics du cœur historique, un site militaire désaffecté depuis plus de 20 ans dont la ville a requalifié la partie nord », énumère Franck Montaugé.
A partir de cet état des lieux, quelle est la problématique ?
« Comment articuler, avec le souci permanent de la diversité sociale, la dé-densification du quartier du Grand Garros en particulier avec la requalification et le repeuplement du centre-ville ? Comment faire en sorte que les opérations de renouvellement urbain et de renouvellement du centre ancien puissent être soutenues financièrement dans la durée ? », interroge Franck Montaugé qui rappelle au passage que « le développement de l’habitat doit être raisonné à l’échelle de l’ensemble de l’unité urbaine comme le permet et le prévoit la loi sur la politique de la ville ».
Et le sénateur-maire d’Auch d’évoquer « la question des capacités contributives financières des collectivités directement concernées et notamment des communes sièges de quartiers politique de la ville et leurs agglomérations qui sont aussi affectées par la nécessaire contribution au rétablissement des comptes publics. Cette exigence de la Nation affecte les capacités d’autofinancement de ces collectivités et donc leurs capacités à investir. Cette dimension du modèle économique pour les projets de renouvellement urbain elle est majeure », dit-il.
Concernant la question concrète de la manière dont on pourrait, par l’aménagement, raccrocher des quartiers marginalisés au tissu urbain, Franck Montaugé se tourne vers les architectes. « Je crois beaucoup à la force des rapports esthétiques à notre environnement pour développer chez les habitants un sentiment d’appartenance qui me paraît tout à fait essentiel à la ville », dit-il. Comment créer ce rapport esthétique entre les bâtiments à rénover, les lieux de vie qui les entourent et la ville ancienne? », dit-il, évoquant de manière très concrète ce rapport que peut avoir un habitant d’Auch avec les éléments marquants de son patrimoine que sont l’escalier monumental, la tour Armagnac, la cathédrale voire même la chaîne des Pyrénées. « D’un côté, on peut avoir un rapport direct au centre ville ancien, à son patrimoine majestueux et de l’autre, on peut avoir un rapport à la nature, au paysage, à son agriculture et à la chaîne des Pyrénées. Je pense que ce sont des données dont il faut se saisir pour traiter architecturalement les évolutions de ce bâti », dit-il encore à propos du projet de renouvellement urbain du Grand Garros à Auch. « Ce n’est pas avec simplement de l’isolation par l’extérieur et de la belle peinture qu’on créera ce lien entre le quartier et la ville. C’est un vrai sujet à mettre en rapport avec celui des moyens que l’on consacrera aux programmes de renouvellement urbain. »
« Toutes vos études et réflexions doivent se faire dans un modèle réaliste, fiable, d’économie de la construction, poursuit Franck Montaugé en s’adressant aux étudiants architectes présents et aux animateurs des différentes tables rondes à venir. Cela vaut pour les centres villes anciens. Les ZPPAUP se transforment, vous le savez, dans le cadre de la loi Liberté de la création, Architecture et Patrimoine, en Sites patrimoniaux remarquables. A Auch, nous l’avons éprouvé sous de nombreuses formes en accompagnant les porteurs de projets dans l’élaboration de leurs financements, la faisabilité économique, même en mobilisant toutes les aides existantes, n’est souvent pas atteinte. Réhabiliter ces appartements d’un autre âge est aujourd’hui au dessus des capacités contributives des particuliers qui en sont les propriétaires. »
« Vous aurez aussi à traiter, dans les centres anciens, la question du renouvellement d’espaces de logement intérieurs d’un autre âge. Dans bien des cas, je ne vois pas d’autres solutions que la simple conservation des façades et, derrière, la reconstruction neuve, complète, aux normes d’aujourd’hui de tous types de logement. Tous les types car la diversité sociale de ces immeubles, qu’ils soient en politique de la ville ou en centre ancien, doit être un postulat de base. C’est de notre part une position politique extrêmement forte. La gentrification est pour nous une forme de communautarisme parmi toutes celles que nous devons réduire ou faire disparaître dans une approche, une vision républicaine de la société des citoyens. Enfin, facteur probablement problématique également, nous sommes sur un territoire où le marché du logement est détendu voire extrêmement détendu et cela rend l’acte d’investissement plus risqué, plus compliqué, moins rémunérateur ou rémunérateur sur des périodes beaucoup plus longues que quand le marché est moins tendu.
« Le message que je voulais vous faire passer fait partie de mes convictions fortes, conclut Franck Montaugé. Les questions et sujets difficiles que nous allons aborder aujourd’hui ne pourront être traités à l’échelle seule des agglomérations ou des villes. La fécondité de la relation métropole-villes moyennes, l’implication effective de la grande région sont les conditions indépassables, si ce n’est de leur règlement, du moins, de leur évolution vers le mieux que nous appelons tous ici de nos vœux. »