Le Sénat examinait mercredi 15 février 2023 la proposition de loi visant à sécuriser l’approvisionnement des français en produits de grande consommation, dite « EGALIM 3 ». Introduite par le député M. Descrozailles, elle est le troisième volet de dispositifs mis en place par les lois EGALIM et EGALIM 2, adoptées en 2018 et 2021, et dont l’effectivité demeure à ce jour relative (Lire ICI, ICI, ICI et LÀ). Ce nouveau texte est donc censé en gommer les lacunes pour permettre, enfin, une juste rémunération des agriculteurs.
Sa vocation première, soutenue par le sénateur Montaugé et son groupe, était de pérenniser deux dispositifs phares de la première loi EGALIM arrivant à leurs termes dont le seuil de revente à perte +10% (SRP+10). Si ce dispositif n’est pas parfait, il permet actuellement de freiner la guerre des prix menée par les acteurs de la grande distribution (Revoir l’intervention de Franck Montaugé en 2020 ICI). Il est d’ailleurs soutenu par la majorité du monde agricole.
Cependant, la droite sénatoriale a supprimé en commission le dispositif du SRP+10, ouvrant ainsi la possibilité d’une nouvelle guerre des prix entre commerçants au détriment premier des agriculteurs et de leur revenu, hors matières premières agricoles produites par la ferme dont les prix ont été « sanctuarisés » à l’issue des lois EGALIM précédentes.
Le sénateur Montaugé et le groupe SER s’y sont fermement opposés par amendement au stade de la commission. Cet amendement ayant été rejeté par la commission, il a été représenté en séance, en excluant du SRP+10 les fruits et légumes pour tenir compte de la nature saisonnière courte de leur production (nécessité de vendre ces produits périssables rapidement, même quand les prix sont inférieurs au seuil de revente à perte (« mieux vaut perdre que tout perdre »).
Finalement, la droite sénatoriale est revenue sur sa position initiale en séance publique et a fait le choix de reprendre dans des termes quasi identiques le dispositif proposé par le groupe socialiste soucieux de faire entendre les intérêts prioritaires du secteur agricole en matière de retour de valeur.
Toutefois, la préservation du dispositif SRP+10 ne saurait faire disparaître les lacunes des textes EGALIM successifs. Si la juste rémunération des agriculteurs est l’objectif continuellement recherché, la réalité, elle, en est encore trop éloignée. Le groupe SER défend donc l’adoption d’une loi de modernisation de l’économie agricole qui garantirait la juste rémunération des agriculteurs, c’est à dire un prix de vente sensiblement supérieur à la totalité des coûts de production.
Le Gouvernement a lancé dans ce sens les consultations préalable au débat d’un une loi d’orientation agricole pour 2023.
Le sénateur Montaugé a pris la parole en fin de séance pour expliquer le vote, favorable mais nuancé, de son groupe :
« Ce texte de loi est un pas dans le bon sens – fut-il modeste – mais je crois qu’il doit être fait et mon groupe le fera.
Ce que je voudrais rajouter c’est que la question de la valeur revenant au producteur et à l’agriculteur n’était pas au centre de ce texte. Cette question-là, avec celles de la diversité des modèles agricoles français, de leur complémentarité, de leur compétitivité – en considération et respect des territoires différents sur lesquels se développe l’agriculture française – devront être au cœur de la future loi d’orientation agricole.
On vivra avec ce texte un moment très important, comme on n’en a pas vécu depuis la dernière loi d’orientation agricole qui remonte à l’époque du ministre Stéphane LE FOLL, qui avait orienté notre agriculture vers l’agro-écologie. Je pense qu’il faut poursuivre dans ce sens-là, en répondant aussi aux enjeux de compétitivité qui effectivement se posent de manière accrue et problématique à l’ensemble de la ferme France. Il faudra savoir composer avec toutes ces contraintes en même-temps que ces nécessités, et ce qui est évidemment en question c’est la souveraineté alimentaire de la France. Je pense et j’espère qu’on se retrouvera sur les mêmes orientations pour pousser dans ce sens à l’occasion de la discussion de cette loi d’orientation agricole, très attendue, et à laquelle nous prendrons une part très active en tant que groupe. »