Les sénateurs Henri Cabanel (Hérault) et Franck Montaugé (Gers), ont voté mardi soir la proposition de résolution en faveur de la réduction des normes applicables à l’agriculture examinée au Sénat. Dans une intervention à la tribune, Franck Montaugé a expliqué pourquoi lui et son collègue votaient ce texte qui reste incomplet selon eux.
« L’enjeu est fort pour l’agriculture et c’est la raison pour laquelle avec Henri Cabanel nous nous sommes impliqués dans le travail que Daniel Dubois et Gérard Bailly ont mené depuis près d’un an », dit-il. « À la suite de leur rapport qui comprend une contribution spécifique de notre part, nous avons co-signé cette proposition de résolution parce que nous estimons que l’enjeu est important, a fortiori dans le contexte actuel difficile de l’agriculture française et parce que sur l’essentiel nous partageons les recommandations formulées. »
« Cependant, ajoute Franck Montaugé, certains points méritent d’être nuancés, précisés, d’autres complétés ou corrigés. C’est particulièrement vrai pour l’exposé des motifs de cette proposition de résolution. Il n’est pas juste, dit-il, de laisser entendre que peu ou pas grand-chose n’a été fait par le gouvernement en matière de simplification :
- Le relèvement des seuils « autorisation / enregistrement » de la procédure ICPE a été acté,
- la réduction du délai de recours des tiers également,
- la déclaration unique est expérimentée
- la mise en place de l’azote total a permis de sortir certains bassins des Zones d’excédent structurel (ZES)
- les négociations avec l’Union européenne ont permis d’adapter l’application de la directive eau
- les aides à la création de réserves d’eau ont été rétablies par le ministre de l’environnement Philippe Martin en 2013.
- En 2015, le gouvernement a précisé les conditions de soutien de ces projets par les agences de l’eau. Je tiens à saluer ici la qualité du travail et des propositions faites dans leurs rapports respectifs par Jean-Jacques Lozach et Henri Tandonnet. »
« Une feuille de route de la simplification a été mise en place par le ministre de l’Agriculture qui traduit la mise en œuvre d’une politique d’ensemble en matière de simplification. Le Comité de rénovation des normes en agriculture, le CORENA, créé par le gouvernement en mars 2016 en est la traduction. Notre collègue Odette Herviaux, missionnée par le Premier ministre, vient de lui remettre un rapport d’excellente facture qui fait des propositions précises et extrêmement positives en matière de simplification, d’approches nouvelles de l’élaboration de la norme ou de mise en œuvre pratique », ajoute Franck Montaugé.
« Nous avons aussi une divergence d’interprétation sur la question de la sur-transposition des normes de l’Union européenne qui constituent 80 à 90% des normes applicables à l’agriculture, poursuit le sénateur du Gers. […] Je constate aussi que quand nous demandons aux professionnels des exemples de sur-transpositions manifestes, on nous répond plutôt sur les procédures d’interprétation, d’application régionales et départementales. Ce qui pose davantage question que l’hypothétique sur-transposition nationale, c’est la production des normes européennes et la manière dont les instances européennes entendent se saisir de la question de la simplification des normes en agriculture. »
« Quoi qu’il en soit, nous considérons avec Henri Cabanel, que
- d’une part la simplification des normes agricoles européennes doit être placée en priorité haute dans l’agenda de la PAC, qu’elle doit figurer dans la PAC post 2020 comme un objectif explicite au même titre que la définition et la mise en œuvre d’outils de gestion des risques agricole et tout particulièrement des risques de marché.
et que d’autre part, cela est absent de la proposition de résolution,
- que la norme, le règlement (UE) peut et doit être développé, adapté dans le cadre d’une stratégie d’influence internationale ayant pour but de soutenir l’activité économique française ? Les discussions sur le CETA et le TTIP illustrent parfaitement ce propos. Les IGP, AOP/AOC et autres signes de qualité illustrent ce que la norme peut permettre de mieux au service du producteur mais ces démarches doivent être intégrées dans la stratégie nationale et même européenne.
« Si la norme peut être vécue par nos agriculteurs comme une contrainte, elle a ou elle peut avoir aussi des effets positifs. Dans un monde judiciarisé, où l’exigence de qualité et de sécurité alimentaire va grandissante, elle protège et elle peut aussi constituer un facteur de différenciation, un avantage comparatif, pour peu que cette approche soit intégrée dans une stratégie de filière adaptée à la conquête et aux exigences du consommateur. »
« La simplification des normes comme facteur de compétitivité certainement ! Mais l’utilisation de la norme comme moyen de protection, de conquête et de développement, donc de compétitivité, aussi ! Ne sommes-nous pas en retard là-dessus ?
Autrement dit :
- comment utiliser les règlements et normes pour conquérir et protéger nos marchés ?
- comment faire de la simplification des règlements concernant l’agriculture et les IAA une priorité, un objectif de rang prioritaire de l’agenda de la réforme de la PAC ? Et quelle stratégie pour y parvenir ?
A cet égard, je crains que les principes ultra-libéraux qui dictent les politiques européennes limitent la portée de l’indispensable révision du processus d’élaboration des normes européennes en agriculture. »
« Ces points importants ne sont pas abordés dans la proposition de résolution et on peut le regretter. Je note également que les sujets du compte pénibilité et de la complémentaire santé obligatoire sont abordés dans l’exposé des motifs sans être repris dans les résolutions soumises à notre vote. Pour nous, la question est effectivement plus celle de l’application, de la mise en œuvre pratique et si possible simple de ces dispositifs que celle de leur justification sociale qui n’est pas discutée dans l’exposé des motifs. »
« Au final, conclut Franck Montaugé, nous considérons que cette proposition de résolution, compte tenu des remarques que je viens d’exposer, constitue une démarche de plus vers une prise en compte au plus niveau – européen en particulier – de l’enjeu de compétitivité, de qualité et de développement auquel sont confrontées, dans leurs diversités, nos agricultures. Le gouvernement a démontré sa volonté de progresser dans ce sens. Sauf à demeurer dans l’incantation, il convient maintenant de construire au plan européen, une démarche collective politiquement efficace. Les rencontres à Bruxelles de la commission et de la COPA-COGECA m’ont fait comprendre que le chemin pourrait être long et difficile ! Alors faisons front au plan français d’abord, au-delà de nos divergences, pour soutenir les agriculteurs qui nous le demandent ! Pour cette raison nous voterons, en tant que co-signataires, les sept résolutions de ce texte. »
Téléchargez ici le texte de l’intervention de Franck Montaugé