La loi Egalim avait suscité un grand espoir dans la profession agricole et entendait résoudre le problème de la faiblesse du revenu d’un grand nombre d’agriculteurs. L’idée était d’inclure, de façon non obligatoire et à partir des propositions de calcul des organisations de producteurs, des indicateurs de coût de matière première agricole à prendre en compte dans la négociation entre l’agriculteur et le premier acheteur de ses produits. Cela n’a pas été fait à l’exception de quelques produits comme le lait par exemple. Donc depuis trois ans, la loi Egalim n’a pas permis d’accroitre le revenu de nombre d’agriculteurs. Les dernières négociations commerciales en attestent et mettent en évidence que l’inflation constatée des prix de vente a avant tout bénéficié aux grandes surfaces.
Dans ce contexte, pour éclairer le Sénat sur les mesures que le Gouvernement prévoit pour sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes avec cette loi Egalim inefficiente, le Sénat a débattu mardi 13 avril 2021 sur le thème “La loi Egalim ou comment sortir de l’impasse dans laquelle ce texte a plongé l’agriculture”.
Lors de ce débat, le sénateur Montaugé a pu interroger Monsieur Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. « Monsieur le Ministre, j’ai tout d’abord une pensée pour les agriculteurs du Gers et de France très durement touchés par le gel ces jours derniers – mais nous en reparlerons. Cela a été dit : en 2019, je faisais le constat, avec mes collègues corapporteurs que la loi Égalim n’atteindrait pas ses deux objectifs, tout particulièrement celui qui avait trait à l’accroissement du revenu des producteurs agricoles. Certaines de nos recommandations avaient été malgré tout reprises, et je peux vous dire qu’il est des filières – je pense à celle du foie gras, par exemple – qui nous en savent gré, compte tenu des effets négatifs du « seuil de revente à perte première version » pour les ventes saisonnières et festives.
Monsieur le ministre, comment concrètement envisagez-vous la définition d’indicateurs de coûts de production ? Quelle méthode ? Pour quels produits agricoles ? La loi Égalim ne concernait en effet qu’une partie des productions agricoles. Comment le plan stratégique national de la future PAC que vous préparez avec les parties prenantes va-t-il intégrer au moins des garanties de couverture des coûts de production ? Qui va payer ? Le premier acheteur ? Les GMS ? Le consommateur final ? La PAC sera-t-elle sollicitée ? Si oui, comment ? Comment allez-vous maîtriser dans le temps la fuite ou la reprise de valeur par les nombreux fournisseurs d’intrants ? »
En réponse à ces questions, Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation a déclaré : « Vous soulevez deux points, monsieur le sénateur Montaugé. La première question que vous posez est celle du coût de production. Un indicateur de coûts de production est désormais défini par les filières, c’est-à-dire par les interprofessions. Il doit être inclus dans le contrat, mais la loi Égalim laisse la possibilité de ne pas le prendre en compte si et seulement si ce choix fait l’objet d’une explication. C’est le premier élément qui mérite d’être modifié : il faut que cette contractualisation sur la base d’indicateurs devienne pluriannuelle, avec toute la transparence requise, afin d’éviter le jeu de dupes année après année.
Deuxième recommandation contenue dans le rapport de Serge Papin : un certain nombre d’indicateurs doit faire l’objet d’une indexation. Je prends l’exemple du prix de la matière première pour les gallinacés dans votre beau département, monsieur Montaugé ; le prix de la matière première de l’alimentation de ces gallinacés, lui, est indépendant du travail de l’agriculteur. Est-il normal que le surcoût de cette matière première soit toujours prélevé uniquement sur le compte de résultat de l’agriculteur, qui n’a d’autre choix que d’attendre, parfois de longs mois, la renégociation du contrat ? Comment donc peut-on mettre en place des indexations permettant une meilleure répartition ? Une augmentation du coût de l’alimentation des gallinacés représente parfois un énorme manque à gagner pour l’agriculteur quand l’impact sur le produit final, donc pour le consommateur, n’est que de quelques centimes d’euros.
Vous me demandez, deuxièmement, si la PAC peut financer en partie le coût de production. L’argent de la PAC, c’est l’argent de l’agriculture, si je puis dire ; les financements afférents portent une ambition politique relative à l’agriculture que nous voulons pour demain, et c’est de toute façon l’argent de l’agriculture. Ce n’est donc pas à la PAC de financer cette affaire ; c’est la répartition de la valeur tout au long de la chaîne agroalimentaire qui est en cause : ce sont les industriels, la grande distribution et – il faut avoir le courage de le dire – le consommateur qui doivent financer le coût de production. La part du budget d’alimentation dans notre budget moyen a décru ces dernières années ; il faut absolument qu’elle reparte à la hausse. »
Franck Montaugé a répliqué à l’intervention du Ministre en concluant « Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Je me permets d’évoquer aussi le dossier en suspens des territoires comme le Gers, qui sont indûment sortis, en 2018 – vous le savez –, de la carte des zones défavorisées simples. Nous attendons les jugements du tribunal administratif de Pau, qui auront – je l’espère – un impact positif sur le revenu des éleveurs, aujourd’hui en très grande difficulté.
Je conclurai en vous disant qu’il serait utile que le ministère clarifie aussi la notion de zone intermédiaire, qui ne peut raisonnablement pas être limitée à la diagonale Charente-Grand Est. Les territoires du Sud-Ouest intégrant le piémont pyrénéen, de faible qualité agronomique et confrontés à des conditions pédoclimatiques toujours plus difficiles, répondent aux critères de définition proposés par l’étude du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux. J’espère, monsieur le ministre, que nous pourrons en discuter directement, et je vous remercie d’avance pour votre écoute. »
Consulter le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat du 30 octobre 2019