C’est par une manœuvre en deux temps que le Gouvernement a empêché le Sénat d’adopter, mercredi soir, une proposition de loi proposant de revaloriser les pensions des retraités les plus modestes dans le régime des non-salariés agricoles. Premier temps: le Gouvernement a introduit un amendement obligeant, au nom de l’équité entre les assurés sociaux, à réintégrer cette question des retraites agricoles dans le futur débat sur le système universel de retraites. Deuxième temps: il fait usage de l’article 44-3 de la constitution qui impose à l’assemblée, si le gouvernement le demande, à voter le texte en une seule fois et en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement. Dans ces conditions, les sénateurs qui s’étaient dans une très large majorité exprimés en faveur d’une revalorisation du plancher des pensions agricoles à 85% du SMIC, ont rejeté ce texte dont le contenu venait de fait d’être intégralement vidé de toute substance.
C’est donc en vain que le sénateur du Gers Franck Montaugé, très mobilisé depuis des mois sur cette question, a pris la parole pour défendre une cause qui lui tient particulièrement à cœur. « Les enfants, les petits enfants d’agriculteurs parsèment cet hémicycle, dit-il. Ils ont écouté ce que portent de juste et de digne revendication ces hommes et ces femmes du XXe siècle qui ont pris de la peine sans s’enrichir et ne sont pas reconnus aujourd’hui pour ce que la Nation leur doit. Ces agriculteurs retraités, en tout cas leurs représentants, ils sont là ce soir, avec nous, et je veux avec vous tous les saluer pour leur combat, leur opiniâtreté à se faire entendre et reconnaître. »
« Madame la Ministre, poursuit Franck Montaugé, il ne faudra pas nous dire comme ce fut le cas le 7 mars dernier qu’il fallait le faire avant. Parce que cette question du progrès des retraites s’inscrit dans un long processus que la famille politique qui est la mienne a impulsé sous la gouverne de Lionel Jospin et de François Hollande. Pourquoi les progrès réalisés de 1997 à 2002 et de 2012 à 2017 ne pourraient être poursuivis avec le texte initié par André Chassaigne?
« Comment comprendre les arguments que vous avez développés le 7 mars en nous expliquant que vous souhaitiez que ce sujet soit intégré dans la réforme des retraites que vous projetez, réforme construite sur le principe annoncé par le Président de la République du 1€ de capitalisation pour 1 € de revenu? Que donneront les retraites des agriculteurs qui aspirent légitimement au 85% du SMIC avec la mise en œuvre de ce principe ? Ce qu’elles donneront, c’est une régression ! »
« Depuis quelques temps, à grand renfort d’assises, d’états généraux divers et variés, la Nation se porte à juste titre au chevet de son agriculture, de ses producteurs qui se voient dérobés de la juste valeur de leur travail. Plus de 160 suicides en 2016, des histoires familiales marquées tragiquement pour des générations, des vies vidées de sens et de toute espérance, des conditions de vie précaires et parfois, trop souvent, indignes d’un pays développé, cette situation est intenable et ne peut plus durer !
« Avec mes collègues du groupe Socialiste et républicain, je plaide pour que nous ouvrions de nouvelles perspectives aux actifs et je suis convaincu que la revalorisation des retraites agricoles doit et peut en faire partie, en complément de la reconnaissance de la juste valeur du travail de production. Le progrès c’est maintenant… à moins que le caractère dilatoire de l’utilisation du 44-3 ne signifie en réalité et avec grand cynisme que le problème se règlera par la nature et le temps qui passe. La dimension morale d’une telle posture serait proprement abjecte et elle est inconcevable dans le cadre des valeurs de la République.
« Pour ce que la Nation leur doit, les plus modestes des retraités agricoles de France méritent autre chose qu’un traitement politique à la Queuille (1) pour lequel, vous le savez, il n’est pas de problème qu’une absence de solution finisse par résoudre ! »
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1- Ancien ministre de la IIIe République et Président du Conseil sous la IVe République, Henri Queuille (1884-1970) est connu pour ses formules lapidaires qui ont fini par faire de lui un symbole de l’inefficacité et du discrédit de la IVe République.