Suite à l’annonce récente par le Gouvernement d’une d’une nationalisation totale d’EDF, le sénateur du Gers Franck Montaugé a interrogé Monsieur Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique sur le projet du Gouvernement à l’égard de cette entreprise dont le rôle sera central dans la transition énergétique que doit opérer la France.
« Méga feux, pluies diluviennes dévastatrices, sécheresses toujours plus précoces et plus fortes, gelées répétées, grêlons comme des boules de pétanque, autant d’illustrations des effets du dérèglement climatique dont le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) nous avait averti, de rapport en rapport.
La transition de civilisation que nous devons opérer – parce que c’est de cela qu’il s’agit en réalité – repose sur la production et l’usage d’énergies décarbonées ! Dans cette bataille, la France possède un atout maître, EDF, dont la propriété sera bientôt entièrement publique ! Mais une OPA (Offre Publique d’Achat) ne fait pas un projet industriel.
Après avoir passé cinq ans à ne prendre aucune décision à la hauteur des enjeux, le gouvernement est resté muet sur le rôle qu’il entend faire jouer à cette entreprise dans le contexte extrêmement difficile que nous lui connaissons aujourd’hui. Monsieur le Ministre, quel est votre projet industriel, social et environnemental pour EDF ? Avez-vous – c’est grandement souhaitable – renoncé au découpage de l’entreprise ? Comment financez-vous les investissements d’EDF nécessaires au « Grand carénage(*) », aux énergies renouvelables et au nucléaire existant et programmé ainsi qu’aux réseaux. Comment préservez-vous le caractère public du parc de production hydraulique ?
Une OPA va exclure de fait les citoyens et le Parlement de ce débat national. Pour donner suite aux intentions – nouvelles – de dialogue que le Gouvernement affichait il y a quelques jours à peine, allez-vous passer par une loi spécifique, c’est ce que nous vous demandons. »
« Monsieur le sénateur Montaugé, d’abord je voudrais dire à quel point je partage ce que vous venez de dire sur l’énergie nucléaire. » a répondu le Ministre. « A tous ceux qui nous ont expliqué pendant des années que l’on pouvait gagner le combat climatique sans le nucléaire la réponse est définitive : nous ne pouvons pas gagner la bataille du climat sans reconstruire des capacités nucléaires. Je rappelle que le Président de la République est le premier à avoir engagé la réalisation de 6 nouveaux réacteurs nucléaires. Que notre majorité est la première à avoir mis sur pied une université des métiers du nucléaire pour redonner ses lettres de noblesse à l’activité de production d’électricité nucléaire et que notre majorité est la première à avoir dégagé dans France 2030 des moyens de financement aussi importants pour réfléchir aux réacteurs de petites et moyennes tailles pour être en pointe des technologies sur le nucléaire. Oui nous croyons au nucléaire et oui, nous continuerons à le défendre et le développer.
S’agissant d’EDF et du financement de notre opération. C’est 9,7 milliards d’euros qui seront financés sur un compte d’affectation spécial du Trésor. Je pense qu’il n’y a pas de meilleure illustration de notre détermination à soutenir EDF et à voir l’Etat aux côtés d’EDF et de ses salariés pour les années qui viennent. Nous avons au cours des dernières années recapitalisé EDF et engagé sa nationalisation. Nous nous sommes donc donnés les meilleurs moyens de permettre à ce grand service public de l’énergie de réussir et nous apporterons les moyens nécessaires aux investissements : 55 milliards d’euros environ pour les 6 nouveaux réacteurs nucléaires.
Enfin, sur la structure d’EDF, je ne veux laisser planer aucune ambiguïté. Nous avions un projet de réforme qui d’ailleurs n’a jamais consisté à découper EDF mais ne revenons pas sur le passé. Cette réforme correspondait à un temps où il y avait moins de tensions, de difficultés sur l’approvisionnement nucléaire. La réforme « Hercule » est caduque et nous ne reviendrons pas dessus. Qu’il n’y ait pas d’ambigüité. Nous voulons marquer avec la Première Ministre un nouveau départ pour EDF. Cette nationalisation est la première étape, à la Direction maintenant, avec l’Etat, de définir ses priorités. »
« Monsieur le Ministre, ça ne répond pas tout à fait aux questions que je posais… » a répliqué le sénateur Montaugé avant de poursuivre : « De tergiversations en atermoiements, la France vient de perdre en réalité 5 ans. Pour répondre à ses missions de production, EDF doit rester un groupe intégré sous statut d’établissement public à caractère industriel et commercial. Pour l’intérêt général national, nous souhaitons qu’EDF ne soit pas entravé dans son développement. Nous sommes donc pour la suppression de l’ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique) et – cela doit aller de pair – pour la restructuration des tarifs de l’électricité sur la base du coût marginal complet à long terme. Le prix de l’électricité ne doit plus dépendre des marchés de gros et aujourd’hui de celui du gaz naturel. »
Vous n’avez pas tout à fait répondu aux questions Monsieur le ministre, j’espère malgré tout que nous aurons un débat, ici, au Parlement sur ce sujet extrêmement important. Madame la Première Ministre opine de la tête, je le note, prenons rendez-vous. »
(*) Engagé depuis 2014 par EDF, le « Grand Carénage » est un programme industriel de rénovation et de modernisation des centrales nucléaires existantes.