Mercredi 15 février 2023, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, le sénateur Montaugé a interpellé Madame la Première Ministre au sujet de la nationalisation d’EDF.
« Madame la Première Ministre,
Jeudi dernier, sur la proposition du groupe socialiste, l’Assemblée Nationale s’est prononcée, par 205 voix POUR et 1 CONTRE, en faveur de la nationalisation d’EDF et de l’incessibilité de son capital détenu par l’État.
EDF ne pourrait donc plus être démantelée, livrée au marché à la découpe.
Et parce que les filets de sécurité que vous avez mis en place sont très insuffisants pour sauver les entreprises, souvent artisanales comme les boulangeries, le texte leur permettrait à toutes d’accéder aux tarifs régulés.
Courageusement, les députés du parti gouvernemental ont quitté l’hémicycle au moment du vote de ce texte, ce qui en dit long, d’abord, sur leur respect de la démocratie parlementaire.
Mais plus profondément encore, Madame la Première Ministre, cette attitude est le reflet de l’impensé politique du gouvernement à l’égard de votre projet industriel pour EDF… comme de vos objectifs concrets de réforme du marché de l’électricité, dans l’intérêt général des français et de toutes nos entreprises.
Madame la Première Ministre, si ce texte qui est maintenant sur le bureau du Sénat ne vous convient pas, quelles sont vos propositions alternatives pour EDF ? Comment entendez-vous répondre immédiatement aux difficultés de beaucoup d’entreprises dont l’existence est en jeu et les dirigeants, avec leurs salariés, dans un grand désarroi ? »
Présente à cette séance, la Première Ministre Madame BORNE a laissé répondre Monsieur Bruno LE MAIRE, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.
« Monsieur le sénateur Franck Montaugé,
Je vais vous dire le fond de ma conviction sur ce texte. Je ne vois pas ce qu’il rapporte mais je vois très bien ce qu’il coûte. 18 milliards d’euros. Je ne vois pas ce qu’il rapporte parce que nous avons engagé la prise de participations d’EDF par l’Etat à hauteur de 100%, que nous détenons au moment où je vous parle 96% des titres. Donc je ne vois pas à quoi ça sert de faire un texte de loi pour nationaliser EDF alors que l’Etat va avoir 100% des titres d’ici quelques semaines et que nous en avons déjà 96%.
Alors vous me dites c’est le projet « Hercule », vous allez vouloir démanteler EDF… mais dans quelle langue faudra-t-il dire et répéter que le projet « Hercule » est mort et enterré et que nous voulons préserver l’unité d’EDF ? Pourquoi voulez-vous que nous reprenions les titres d’EDF et maitriser à 100% cette entreprise pour en faire un grand service public si c’était pour démanteler derrière l’entreprise ? Cela n’aurait absolument aucun sens. Je veux que les choses soient claires et entendues.
Quant à ce qu’elle coûte, 18 milliards d’euros, moi je veux bien qu’on étende comme le propose cette proposition de loi l’ensemble des tarifs régulés de l’électricité non seulement aux très petites entreprises, non seulement aux petites entreprises mais aussi aux PME, mais aussi aux entreprises de taille intermédiaire… c’est-à-dire quasiment tout le tissu économique français pour 18 milliards d’euros. Est-ce que vous croyez sérieusement Monsieur le sénateur que toutes les entreprises françaises ont besoin que 18 milliards d’euros, d’argent public, du contribuable, soit mis à contribution pour les soutenir face à la crise de l’électricité ?
Je pense que c’est tout simplement un gigantesque gaspillage d’argent public. Vous dites toujours que nous en faisons trop pour les entreprises et bien là, je peux vous dire que ce serait infiniment trop et tout simplement du gaspillage d’argent public.
Nous allons prendre le contrôle à 100% d’EDF, demander à EDF de remettre en état les réacteurs nucléaires qui doivent l’être, s’engager sur la construction de 6 nouveaux EPR et maintenir l’unité du groupe EDF. Voilà la feuille de route qui a été fixée au nouveau Président d’EDF.
Quant à la réforme du marché européen de l’énergie, là je vous rejoins. Nous livrons cette bataille avec la Première Ministre et nous la gagnerons pour que nos compatriotes paient l’énergie nucléaire au prix de l’électricité nucléaire. »
A la suite de cette réponse incomplète, le sénateur Montaugé a répliqué :
« Vous n’avez pas répondu à la question de l’organisation d’EDF.
Cela fait des mois que les ministres en charge nous bercent de paroles lénifiantes et que rien ne se profile comme mesure un tant soit peu efficace, en France et en Europe !
Ce qui est ici en question, c’est la capacité politique du Président de la République et de votre gouvernement à peser sur la réforme du marché de l’électricité dans l’Union Européenne.
L’entreprise nationale EDF doit être au cœur de la reconquête de la souveraineté économique française.
Le groupe socialiste du Sénat soutiendra le texte de Philippe BRUN. »