Dans le cadre des discussions du projet de loi de finances 2019, le sénateur du Gers Franck Montaugé est intervenu ce vendredi à plusieurs reprises pour s’opposer au projet de la vente de trois fleurons de l’économie française: Aéroport de Paris (ADP), Engie (ex-GDF Suez), et la Française des jeux (FDJ).
« Je vais utiliser les quatre petites minutes disponibles pour aborder la question importante de la stratégie industrielle de l’État qui devrait être au cœur des crédits de la mission Economie. Et je vais le faire en évoquant une opération à 10 milliards d’euros ! Dans leur récent rapport de mission d’information, nos collègues Chatillon et Bourquin appellent l’État à renouveler sa vision stratégique en faveur de l’industrie. Nous souhaitons avec eux la dynamisation de l’outil actionnarial de l’État. »
« Dans ce cadre, la vente d’Aéroport de Paris, d’Engie et de la Française des jeux nous apparait comme un mauvais choix dont la performance sera médiocre pour financer le soutien de l’innovation qui fera l’économie de demain. Financement au demeurant nécessaire et dont nous partageons avec vous le nécessité et l’urgence. Cette opération est opaque et aucune explication fournie jusqu’ici par les membres du Gouvernement interrogés n’a été de nature à nous convaincre de sa pertinence. »
« Contrairement à ce qui a été dit au départ, ce n’est pas 10 milliards d’euros qui vont être affectés à ce soutien mais le produit des dividendes générés par le placement des actions que vous allez vendre. Comment, madame la Ministre, justifiez-vous que les placements de ces 10 milliards produiront un rendement de 250 millions au mieux alors qu’aujourd’hui, et en prenant appui sur les chiffres les plus bas des années passées, les actions publiques de ces trois entreprises ont rapporté à l’État 850 millions au plus bas en 2017, et jusqu’à 1,5 milliard comme en 2012… donc, en fait, autour de 1 milliard d’euros, ce qui en fait un placement exceptionnellement profitable ? Alors oui, vous allez réintégrer immédiatement 10 milliards qui vous éviteront peut-être de passer le cap symbolique des 100% de PIB de dette publique, mais qu’elle est la vraie logique de cette opération de vente et d’abandon de fleurons nationaux ? A qui profite-t-elle vraiment?
« Dans ces conditions d’incertitude et de risques, nous ne sommes pas favorables à ces privatisations. Pour éviter de revivre la calamiteuse opération des autoroutes de 2005, il faut que le produit des ventes de ces trois entreprises soit au moins égal à la somme actualisée sur très longue période du produit des dividendes auquel l’État va renoncer. A cet égard, comment allez-vous procéder et quels sont vos objectifs ? Rien dans les crédits de la mission ne nous permet de l’appréhender.
« Toujours sur ce sujet des privatisations, vous avez annoncé envisager de monter au capital d’EDF, dans le cadre de la donne nouvelle qu’induit la PPE et la montée en charge indispensable des énergies renouvelables. La grande entreprise qu’est EDF ne doit pas être sacrifiée comme l’ont été d’autres secteurs de la production industrielle française. Ce qui s’est passé avec Alsthom, avec AREVA nous fait craindre l’amorce d’un démantèlement de la filière nucléaire intégrée française. Il y va de notre souveraineté nationale, du rôle et de la place géopolitique de la France en Europe et dans le monde de l’énergie. Il y va aussi du savoir-faire de très haut niveau de centaines de milliers d’emplois directs et indirects.
« Faute, à ce stade, de clarté dans votre stratégie, les inquiétudes sont fortes. Va-t-on vers un démantèlement de l’entreprise aujourd’hui intégrée et une revente à la découpe ? Je pense à RTE par exemple. Quelle place pour les énergies renouvelables, à côté du nucléaire et de l’hydraulique ? Et en lien direct avec le budget 2019, quel sera le niveau des nouvelles prises de participation et comment seront-elles financées dans le contexte d’endettement fort que nous constatons et qui continue à s’accroitre tendanciellement ? Autant de questions … et de réponses Madame la Ministre qui détermineront, avec la prise en compte ou pas de nos amendements, le vote de notre groupe », conclut Franck Montaugé.
« L’Etat va perdre de l’argent sur ce projet »
Plus tard dans la journée, lors de la discussion du Projet de loi de finances « Mission Remboursements et dégrèvements », « Mission Engagements financiers de l’Etat », et « Mission Investissements d’avenir », le sénateur Montaugé a de nouveau fait part de son incompréhension au secrétaire d’Etat chargé du Numérique Mounir Mahjoubi:
« Nous sommes toujours dans l’attente, Monsieur le Ministre, d’une explication sur cette opération à 10 milliards d’euros. Avec la vente de ces actions dans ces trois entreprises, on passe d’une situation avec un rendement de l’ordre de 10%, voire plus si on se réfère aux produits des années antérieures, à un rendement de l’ordre de 2,5%. Où est le sens de cette opération pour l’Etat ? », interroge Franck Montaugé.
« Si on résume les choses en quelques mots, dit-il, on est dans une situation où, à partir de la huitième année après l’opération de vente de ces actions, voire la neuvième au pire, l’Etat va perdre de l’argent par rapport à la situation actuelle. Moi, je n’arrive pas à comprendre l’économie de ce projet de privatisation. Au-delà du sens économique qui interroge, quelle est la stratégie de l’Etat ? » demande-t-il encore avant de dire à nouveau son souhait qu’au travers des amendements proposés, l’opération de vente de ces actions soit annulée le temps que des explications convaincantes aient pu être fournies.
Sur le même sujet voir ici l’intervention de Franck Montaugé du 3 octobre dernier