« La semaine dernière, le Sénat a adopté un amendement proposé par mon collègue UMP, le sénateur du Val-de-Marne Christian Cambon, qui autorise à nouveau les coupures d’eau pour les mauvais payeurs. Au terme d’une discussion animée, cet amendement a été adopté par 196 voix contre 138. J’ai voté contre cet amendement qui fait aujourd’hui polémique.
La volonté du sénateur Cambon, ainsi qu’il l’a expliqué, était de corriger les effets d’une disposition de la loi Brottes concernant la tarification de l’eau. Cette disposition étendait la trêve hivernale en matière de coupure de gaz naturel ou d’électricité à l’ensemble des consommateurs, en modifiant l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles. « Or, fait valoir M. Cambon, cette modification a entraîné l’interdiction des coupures d’eau pour tous les consommateurs d’eau alors que cette interdiction était réservée jusqu’à présent aux familles en difficulté bénéficiant soit du fonds de solidarité pour le logement (FSL), soit de l’aide des centres communaux d’action sociale. »
Ainsi que l’ont fort bien exprimé tour à tour mes collègues Michel Le Scouarnec, Roland Courteau, ou Eliane Assassi, je ne partage pas l’idée de M. Cambon selon laquelle cette extension de l’interdiction des coupures d’eau à l’ensemble de la population entraînerait nécessairement des abus. D’ailleurs, personne n’a constaté une explosion du nombre de factures impayées depuis que les coupures ont été rendues illégales par la loi du 15 avril 2013.
En outre, comme l’a souligné le sénateur Courteau dans son intervention, « les personnes en difficulté ne se réduisent pas à celles qui bénéficient de dispositifs sociaux. En effet, nombreux sont ceux qui seraient en droit de bénéficier des aides sociales ou d’autres mesures et qui n’en profitent pas, soit parce qu’ils sont dans l’ignorance de cette possibilité, soit parce qu’ils ne souhaitent pas en bénéficier. Ce non-recours aux aides sociales est important : il concerne 35 % des bénéficiaires potentiels du RSA socle et près de 70 % de ceux qui ont droit au RSA activité. Ces personnes ne seraient donc plus protégées et s’exposeraient à des coupures d’eau, un bien de toute première nécessité s’il en est ! »
Ajoutons à cela le cas des travailleurs pauvres, parmi lesquels beaucoup sont en grande difficulté, et toutes ces personnes qui, du jour au lendemain, à la suite d’un accident de la vie, de la perte d’un emploi, d’un divorce, peuvent basculer dans la précarité la plus totale. Elles non plus ne seront plus à l’abri des coupures.
Cet amendement constitue selon moi un recul social très regrettable dans la période difficile que traversent nos sociétés. L’eau est, et doit rester, un bien essentiel. »
Franck Montaugé