Le sénateur Franck Montaugé est intervenu mardi soir à la tribune du Sénat dans le cadre du débat sur l’avenir de la PAC et des filières agricoles. « Ce débat, proposé à un moment opportun du processus de réflexion de la PAC post 2020, est bienvenu et j’en remercie ses initiateurs. Nous partageons tous ici le souci du devenir de l’agriculture française ! », a déclaré Franck Montaugé en ouverture de son propos.
« Alors que l’agriculture est confrontée, au plan national comme européen, à des enjeux de sécurité et de qualité alimentaire, des enjeux économiques, environnementaux, territoriaux, et de résilience à l’égard des nombreux aléas dont elle est en permanence l’objet, nous devons faire une analyse juste du fonctionnement de la PAC actuelle et en déduire les objectifs pertinents pour la prochaine, en cours de préparation.
« La PAC post 2020, dit-il, doit être construite sur des objectifs de croissance, d’emploi et de compétitivité, des objectifs de contribution aux enjeux climatiques et environnementaux, de développement de la ruralité et de gestion des risques de toute nature pour une agriculture plus résiliante et plus durable. »
Alors qu’il doit présenter, le 30 juin prochain avec les sénateurs Henri Cabanel et Didier Guillaume, un projet de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture, le sénateur du Gers a centré son propos sur « la question de la nécessaire résilience de la future PAC face aux aléas sanitaires, climatiques et économiques ».
Les agriculteurs nous le disent et ils ont raison: « Nous ne voulons pas des primes mais des prix!»
« Cela suppose des marchés correctement rémunérateurs, qui leur donnent une visibilité suffisante pour définir la bonne stratégie d’exploitation, pour faire les choix pertinents d’investissement qui demeurent, on le sait, la condition majeure de leur compétitivité dans la durée », poursuit Franck Montaugé.
« La réalité, dit-il, ce sont des mécanismes de régulation des marchés qui ont soit disparu (c’est le cas des quotas) soit qui n’existent pas, ou alors sous des formes quasi embryonnaires. Depuis 1962, de réforme de la PAC en réforme de la PAC, particulièrement en 1992, les principes du libre marché auto-régulé ont fini par modeler l’agriculture de nos nations, de nos régions et de nos terroirs, en même temps qu’ils ont fait disparaitre et souffrir trop souvent, parfois jusqu’à l’insupportable, nos paysans. »
« Dans ce contexte éminemment politique, la résignation n’est pas de mise et la réaction doit être inspirée par des principes politiques empreints de pragmatisme économique et de solidarité à l’égard du monde paysan ! Dans notre réflexion, il y a un fait que l’on doit toujours avoir en tête: les agriculteurs n’ont pas de pouvoir de marché ! Et pire que ça, quand la valeur dont ils devraient prioritairement bénéficier augmente, c’est surtout l’amont et l’aval qui en profitent! »
Et la question se pose immédiatement du rôle que devrait jouer l’Europe dans ce contexte d’adossement aux marchés européens et mondiaux qui déterminent pour une large part les revenus de nos producteurs. La PAC actuelle, note Franck Montaugé, n’intègre pas, de façon adéquate en tout cas, de mécanisme de gestion du risque de prix. A cet égard, l’observation des dispositifs mis en œuvre dans les grands pays producteurs, hors de l’UE, est riche d’enseignements et doit être prise en compte pour définir notre boite à outils de gestion et de couverture des différents types de risques. »
Pour Franck Montaugé, l’Etat pourrait utilement approfondir la mise en œuvre des articles 36 à 39 du règlement 1305/2013 de l’UE qui traitent de la gestion des risques. « Ce sera l’objet de la proposition de loi que nous discuterons le 30 juin prochain », dit-il.
Quant à l’Union européenne, dans la perspective de la PAC post 2020, elle devrait se mettre en position de pouvoir évaluer finement les pertes de revenus agricoles, favoriser la création de comptes d’épargne de précaution, soutenir les tests de terrain pour valider ou pas les concepts de gestion de risque et les méthodes nouvelles, développer des processus d’apprentissage à partir d’expérimentations et de modélisations, prévoir un financement suffisamment flexible pour les outils de gestion des risques en utilisant les réserves spéciales de l’Union, etc.
« La PAC peut-elle être efficace, réactive aux situations aléatoires dans le cadre d’un cycle budgétaire annualisé », interroge le sénateur du Gers? « En définitive, pour penser la PAC de demain, pour la sauver, ne faut-il pas changer radicalement de mode de raisonnement ? Je crois que oui mais je sais aussi qu’on ne fait pas table rase d’un tel dispositif d’un trait de plume. Cette réorientation stratégique nécessite de voir loin et de penser la transition pour que le remède ne soit pas plus dévastateur que le mal ! »
« Pour aller dans ce sens, l’expérimentation, la modélisation et l’évaluation doivent être engagées sous forme de tests ou d’expérimentations, sans tarder et pour aboutir à des stratégies européennes de filière. Sur un plan plus politique, je reste convaincu que la construction d’un rapport de force impliquant toutes les parties prenantes (gouvernements des pays membres, organismes professionnels de filières, etc.) sera indispensable pour mener à bien une telle réforme. Associer et former au plus tôt les agriculteurs eux-mêmes à ce processus de transition majeur sera aussi une condition majeure du succès. »