Le 12 avril dernier, le sénateur Franck Montaugé a présenté et défendu devant la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes, le dernier axe du nouveau projet de résolution européenne (PPRE) préparé par le groupe de suivi de la PAC. Alors que la réforme de la PAC s’éloigne des recommandations de la première résolution du Sénat adoptée le 8 septembre 2017 (lire ici), que les conséquences du Brexit s’annoncent très coûteuses et que l’incertitude gagne du terrain quant à l’évolution de la position politique du gouvernement français sur cette question, le Sénat estime nécessaire « de prendre position à nouveau en formulant de nouvelles recommandations aux autorités politiques françaises et européennes » ainsi que l’a expliqué la présidente de la commission des affaires économiques Sophie Primas pour qui « la future réforme est bien loin de nos espoirs communs de l’année dernière et bien loin des demandes de nos agriculteurs ».
« Les réflexions de la commission européenne qui sont censées préfigurer les contours de la prochaine politique agricole commune sont décevantes, a souligné pour sa part le président de la commission des affaires européennes Jean Bizet. Elles ne reprennent que très imparfaitement voire contredisent sur le plan budgétaire les recommandations de la résolution du Sénat du 8 septembre 2017, et pour reprendre les termes mêmes du commissaire Phil Hogan, jamais la PAC n’a été autant sous pression. Cette pression, dit-il, est naturellement budgétaire sous l’effet des pertes de ressources du Brexit et de l’émergence de nouvelles priorités politiques européennes. Au-delà de ces seules considérations financières, la politique agricole commune justifierait pourtant d’une réforme d’envergure qui ne se borne pas à en définir seulement le format en guise de variable d’ajustement du prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027 (le futur budget européen). »
« De multiples enjeux à relever dont l’emploi et les territoires »
Invité à présenter la quatrième orientation de la nouvelle résolution, Franck Montaugé a souligné « l’importance des enjeux, pour l’avenir de la PAC, du commerce international, du soutien à l’innovation, à l’emploi, ainsi que l’enjeu de préservation des territoires».
« La réforme de la PAC doit prendre en compte de manière claire et ambitieuse le développement territorial, dit-il. Les difficultés économiques actuelles de nombre de nos territoires nous y engagent. Pour illustrer ce propos je citerai l’exemple de l’injuste et inéquitable révision actuelle de la carte des ZDS qui va se traduire dans le Gers par l’inéligibilité de territoires sur lesquels, de par leur topographie et la nature de leurs sols, la seule activité agricole possible est l’élevage. L’interruption des ICHN va se traduire par des drames économiques et sociaux, et des territoires plus encore en déshérence. Cela n’est pas acceptable et il faut que la future PAC permette un soutien ciblé, renforcé et pérenne à ces exploitations défavorisées dans le cadre du deuxième pilier. »
« Dans les territoires déjà en difficulté ou qui pourraient le devenir, la poursuite de l’économie agricole et la sauvegarde des emplois doivent être affirmés comme un objectif explicite de la future PAC, poursuit le sénateur du Gers. Le darwinisme territorial que nous constatons doit être éradiqué, combattu. Des aides spécifiques couplées à l’élevage et le soutien aux démarches de qualité doivent y contribuer. Je pense aussi que si l’on veut être conséquent avec l’idée que je crois partagée ici de préserver nos différents types d’agriculture, il faut envisager la modulation des aides de la PAC en fonction de l’emploi créé ou subsistant. »
« Notre proposition de résolution consacre également un point spécifique à la juste reconnaissance des services d’intérêt général que l’agriculture rend à l’ensemble de la société en matière climatique et environnementale comme le stockage du CO2 dans les sols et les forêts par exemple. Ces externalités positives justifient un renouvellement de l’approche européenne avec de véritables paiements pour services environnementaux(PSE) qui doivent faire partie intégrante de la rémunération de l’agriculteur. »
« Notre nouvelle proposition de résolution reprend ensuite, in extenso, la partie relative au commerce international de la résolution du Sénat du 8 septembre 2017. Cette reprise se justifie également par l’importance des négociations commerciales en cours, à commencer par celles avec les pays du Mercosur, qui ont dominé l’actualité des derniers mois. Après avoir rappelé le principe de réciprocité et exigé une concurrence loyale dans les échanges internationaux, la résolution du Sénat approuvait les démarches de la Commission européenne en matière de promotion internationale de nos produits, de recherche de débouchés à l’exportation et de respect des indications géographiques sur les marchés extérieurs. »
« Le texte que nous avions adopté demandait aussi une amélioration des outils de pilotage permettant d’évaluer ex ante et ex post, les choix réalisés lors des négociations commerciales internationales. La résolution souhaitait également que la Commission européenne consacre autant de ressources administratives au suivi des accords commerciaux déjà signés, qu’à l’ouverture de nouvelles négociations commerciales. Ces éléments demeurent pertinents. Nous vous proposons simplement d’y ajouter, désormais, le Brexit. Le nouveau point, prévu à cet effet, demande que la Commission européenne soit particulièrement attentive à la préservation des relations commerciales futures entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, dans les domaines de l’agriculture et de la pêche. »
« Enfin, conclut Franck Montaugé, notre proposition de nouvelle résolution européenne s’interroge sur la possibilité de conclure l’ensemble des négociations sur l’avenir de la PAC, d’ici au printemps 2019. Au regard des précédents, ce calendrier apparaît irréaliste à la plupart des observateurs : jusqu’à présent, pareil exercice n’a jamais été mené à bien en moins de 2 ans. Viser un accord au terme d’une marche forcée dans un contexte aussi compliqué et avec des enjeux aussi importants dans un délai d’un an fait courir le risque d’étouffer le nécessaire débat public relatif à la PAC, et je pense qu’il y a besoin d’un véritable débat public qui ne se confine pas à l’ensemble du monde agricole mais qui permette de faire participer la société dans toutes ses composantes. »