Rapporteur du groupe de suivi de la réforme de la politique agricole commune, le sénateur du Gers Franck Montaugé est intervenu aujourd’hui à la tribune du Sénat pour défendre une nouvelle proposition (lire ici le texte de la PPRE PAC) de résolution européenne qui a été transmise au Gouvernement. “Pour la troisième fois, nous interpellons le Gouvernement sur le devenir, très préoccupant selon nous, de la plus grande politique intégrée de l’histoire de l’Union européenne, la PAC. Une politique qui a été au longtemps la clé de voûte des institutions européennes. Pour l’essentiel, les inquiétudes et les propositions que nous formulions lors des deux résolutions précédentes persistent. En quelques mots:
- une vision stratégique faible dans un contexte international où l’indépendance et l’autosuffisance – alimentaire deviennent des enjeux majeurs,
- des protections amoindries pour les agriculteurs dont le travail n’est pas reconnu à sa juste valeur et qui sont de plus en plus confrontés aux aléas – sanitaires, économiques et environnementaux,
- une insuffisante prise en compte des attentes de la société et des consommateurs en matière de qualité et de sécurité sanitaire des aliments.
“Dans ce contexte, notre groupe de suivi demande au Gouvernement de préserver à euro constant le budget de la PAC pour la période 2021-2027 par rapport à la période 2014-2020. Les premières analyses des effets de la loi EGALIM sur le revenu des producteurs ne sont pas bonnes et pour nous, il est inacceptable de voir le budget français de la PAC diminuer de 15%. Avec plus de 10% de perte de revenu direct pour les agriculteurs et près de 30% pour de développement territorial.”
“En sus des problèmes du LEADER, le message en direction des acteurs des territoires déjà en difficulté, agriculteurs, maires, est ici très négatif ! C’est pourtant l’épure qui résulte du nouveau contrat de financement pluriannuel du budget de l’Union européenne (CFP) et vous nous direz, M. le Ministre, comment dans un tel contexte l’effort qui est demandé aux agriculteurs en matière de conversion et de transition vers l’agroécologie sera rendu possible par le Gouvernement. Dans cette situation, nous appelons à la reconnaissance des externalités positives de l’agriculture – les PSE que le groupe Socialiste et et Républicain promeut depuis longtemps maintenant – et notre groupe de suivi revient sur l’enjeu du maintien des ICHN. Certains territoires et leurs producteurs sont victimes de la nouvelle carte et je vous renouvelle, M. le Ministre, la proposition gersoises de mettre en œuvre sur ces territoires une démarche expérimentale de PSE. Nous avons tous les éléments – scientifiques, économiques et juridiques – pour nous y engager. Et s’il fallait ne pas prendre sur les crédits de la PAC, nous vous proposons de rémunérer ces services sur les fonds Horizon Europe – 100 milliards d’euros sur la période 2021-2027 – voire LIFE. Les syndicats agricoles y sont prêts. Il faut y aller !”
“Je terminerai sur la question centrale de la gouvernance de la future PAC. Prenons garde, M. le Ministre, que ce qui sous-couvert de subsidiarité est présenté comme une simplification de la gestion de la PAC, ne se traduise dans les faits par une concurrence accrue entre agricultures nationales. Dans l’état actuel des propositions, pour le moins floues, le risque de renationalisation de la PAC est pour nous réel. Si cette voie devait être engagée, les inconvénients pour la France pourraient à terme être plus importants que les avantages. Mesurons-le et tirons-en les conséquences politiques ! Plutôt que cela nous en appelons
- à des mécanismes européens communs et plus souples de gestion – je pense à la réserve de crise et à l’article 224 qui permet de déroger aux règles de la concurrence,
- à la mise à disposition des exploitants agricole d’une boite à outils de gestion des risques auxquels ils sont confrontés,
- à des normes identiques s’appliquant à l’ensemble des agricultures européennes,
- au refus des produits d’importation qui ne respectent pas les standards de production européens et donc à la création d’une structure de contrôle sanitaire européen.
“La PAC est à un tournant aussi important que celui de 1992 qui avait consisté à s’aligner progressivement sur les prix des marchés par réduction des aides. Depuis l’ouverture de cette période, l’agriculture française se porte-t-elle mieux ? Pour certains acteurs des filières peut-être. Mais certainement pas pour les producteurs. Cet enjeu social apparaît insuffisamment pris en compte dans les orientations de la Commission. Notre agriculture a aussi reculé à l’exportation et la question de sa compétitivité est posée. C’est à l’aune de ces problématiques, en plaçant les paysans et les producteurs agro-alimentaires au cœur du raisonnement, que nous construirons une nouvelle étape de l’agriculture répondant aux demandes de la société européenne et aux enjeux de l’agriculture française. Le commissaire Hogan avouait que « les principes de la future réforme sont déjà acquis ». Qu’elle est, M. le Ministre, la stratégie du Gouvernement français pour que les principes de la future PAC servent les intérêts des agriculteurs français?”, interroge Franck Montaugé
1- Le groupe de suivi sur la réforme de la PAC a été reconstitué en novembre 2016 au sein de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes. Les démarches du groupe de travail se sont déjà traduites par :
– l’adoption d’un rapport d’information, publié dès le 20 juillet 2017, en amont des propositions de la Commission européenne ;
– trois avis politiques adressés aux institutions européennes ;
– deux résolutions du Sénat, la première en date du 8 septembre 2017, la seconde du 6 juin 2018, comportant respectivement dix-sept et vingt-cinq points constituant un ensemble très complet de recommandations.