Le sénateur du Gers Franck Montaugé est intervenu mardi soir à la tribune du Sénat dans le cadre de la discussion générale sur la proposition de loi “Préserver l’activité des entreprises alimentaires françaises” (1). Dans son intervention, le sénateur du Gers partisan d’une évaluation continue des politiques publiques demande à ce que la proposition de loi “Préserver l’activité des entreprises alimentaires françaises” corrige les effets négatifs de la loi Egalim sur le revenu des agriculteurs et des entreprises du secteur agroalimentaire.
“En juillet 2018, je disais ici, au nom de mon groupe, notre scepticisme quant aux effets réels que pouvait avoir la loi Egalim sur la modification de la répartition de la valeur créée tout au long de la chaîne qui va du producteur au distributeur. Je salue l’initiative de la présidente de la commission des Affaires économiques qui a, sans tarder, engagé une évaluation des premiers effets de ce texte à partir du round de négociation commerciale 2018-2019.”
“Je suis un fervent promoteur des démarches d’évaluation des politiques publiques et le Sénat donne ici l’exemple, en lien très fort avec les territoires et leurs acteurs, d’une évaluation de l’efficacité du travail législatif et gouvernemental. Les Etats généraux de l’alimentation étaient une belle promesse à laquelle nous avons voulu croire ! Mais pour ce qui est des prix et des revenus, ils sont venus se fracasser sur la réalité d’un contexte économique tendu qui a conduit à une baisse globale constatée de l’ordre de 0,4% selon l’Observatoire de la formation des prix et des marges.”
“Les transformateurs ne s’y retrouvent pas et les producteurs, sauf exceptions tenant plus de la conjoncture internationale que des effets de cette loi, n’ont pas vu l’amorce d’une amélioration de leur revenu. Dès lors, et même si nous n’en sommes qu’au mitan de la période d’expérimentation, il était sain et responsable de réagir afin de corriger certains mécanismes de toute évidence dévoyés par la pratique, bien loin de l’esprit du législateur d’Egalim.”
“Quand les dégâts sont déjà là, avérés, il faut aller vite et réagir sans attendre le terme des 2 ans. Vous l’avez entendu M. le Ministre, vendredi dernier dans le Gers de la bouche d’un représentant de la filières gras-volailles festives, le seuil de revente à perte tel qu’il avait été prévu a été très préjudiciable pour les productions saisonnières. Il a donné lieu à des contournements inacceptables que vos services doivent repérer et sanctionner. Je sais que vous vous y employez.”
“Il s’est aussi traduit négativement pour certains vins dont l’acte d’achat est étroitement lié aux périodes de fêtes. Le président d’une grande coopérative viticole gersoise vous l’a dit et il faudra que la liste des produits dérogatoires aux seuils de revente à perte (SRP) que prévoit le texte que nous allons voter aujourd’hui prenne en compte les pratiques saisonnières des consommateurs dans leur ensemble. Les professionnels et leurs représentants devront être étroitement associés à ce travail de définition.”
“Aux grandes difficultés éprouvées par la filière gras depuis 2015 ne doivent pas s’ajouter les effets délétères du seuil de revente à perte. Et pour la filière viticole qui tire une bonne partie de nos exportations et qui est aujourd’hui victime directement ou indirectement des difficultés diplomatiques et économiques avec les USA, les décisions de dérogation aux seuils de revente à perte devront prendre en compte ses spécificités. Pour dire les choses plus prosaïquement, les agriculteurs ne doivent pas payer pour la guerre dans la filière aéronautique, tout le monde le comprend !”
“Le second point de ce texte propose une expérimentation en adaptant les mécanismes de la clause de révision des prix des contrats de plus de 3 mois passés entre distributeurs et entreprises. Ciblage des produits finis composés à plus de 50% d’un produit agricole, plus grande réactivité et automaticité de la révision à la hausse ou à la baisse, simplification de la procédure ont présidé à l’introduction de cet article. L’expérimentation durera 3 ans et les produits seront arrêtés par décret. Tout en étant favorable à cette expérimentation, nous pensons que le risque est grand que le rapport de force continue de prévaloir du fait que les seuils de déclenchement sont renvoyés à la négociation entre les parties.”
“Enfin il nous paraissait nécessaire, nonobstant les questions de fond relatives à la nature même du contrat liant le coopérateur à sa coopérative agricole, que le champ de l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance fixé par le législateur soit respecté. Pour terminer, je me réjouis que ce texte qui concerne la vie de nos territoires ait réuni des signataires de tous les groupes, sans exception, de notre haute assemblée. Et j’espère que le Gouvernement voudra le faire prospérer à l’Assemblée nationale, dans l’intérêt des entreprises et des exploitations concernées. Il laisse toutefois entière la question du revenu des agriculteurs pour laquelle le Gouvernement, notamment avec la PAC, mais pas seulement, devra apporter des réponses à la hauteur des enjeux et de la situation difficile de nombre d’entre eux.”
Le texte a été adopté par 312 voix pour, 0 voix contre.