Organisées à Auch le 12 mai dernier, les rencontres inter-religieuses et philosophiques ont été l’occasion d’un dialogue riche et nourri autour de la question « Les religions et les spiritualités, un remède contre les fanatismes? ». Animée par le pasteur protestant Alain Rey, cette table ronde a permis d’entendre les avis de Michel Aguilard, président délégué de l’Union bouddhiste de France, Michel Bertrand, ancien doyen de la faculté de théologie protestante de Montpellier, Maurice Gardès, archevêque d’Auch, Tareq Oubrou, imam et recteur de la mosquée de Bordeaux, Yves Saez, membre de la loge de recherche nationale de la Grande loge nationale de France et Ephraïm Teitelbaum, président de l’association franco-polonaise pour la promotion de la culture juive.
Invité à apporter sa contribution au débat, le sénateur et maire d’Auch Franck Montaugé est sorti des sentiers battus en traitant la question sous l’angle des institutions et de leur fonction anthropologique. « Faire tenir debout, tenir fermement, établir, fonder », tel est le sens de ce terme transmis à l’occident par le droit romain et dont la fonction, explique Franck Montaugé « est de structurer le montage humain à partir d’une place de pouvoir qui est d’essence politique ».
« Les institutions font jouer la loi d’une relation, elles manient la division constitutive de l’animal parlant », poursuit l’orateur. Autrement dit, le montage normatif des institutions régule ce qui relève du biologique et du subjectif d’un côté, ce qui relève du social, c’est-à-dire du rapport aux autres de l’autre. Au plan social, trois registres sont constitutifs de la vie de l’Homme en société: celui des grands récits et des mythes fondateurs, celui des préceptes et interdits, c’est-à-dire du droit, celui enfin du politique qui occupe une fonction d’intermédiaire entre les deux premiers, fonction exercée par l’Etat. « Gouverner c’est faire coïncider le scénario fondateur -qu’il procède du mythe ou de la croyance- et la réalité pratique des règles sociales », dit-il encore, citant le philosophe du XVe siècle Nicolas de Cues.
Ces trois registres des grands récits, des règles sociales et de la politique constituent un ordre fiduciaire qui fonctionne sur une logique de confiance. « La logique fiduciaire est construite sur la foi dans les mots et ce qu’ils signifient. Ce qui fait foi, ce sont les valeurs auxquelles ont croit, les valeurs fiduciaires portées par les grands mots abstraits: droits de l’Homme, liberté, égalité, fraternité, démocratie, croyances religieuses, concepts ou valeurs philosophiques, science, usine, travail et même argent dont Karl Marx notait au XIXe siècle qu’il était devenu pour certains un vrai dieu, symbole successeur du Christ. »
« Surprenant de prime abord, les Etats exercent, à travers le droit, une fonction parentale qui peut être ou devenir défaillante, poursuit Franck Montaugé. Le fanatisme, qu’il procède d’une religion ou d’une idéologie dévoyée, n’est-il pas révélateur et la conséquence d’une institution de la vie défaillante, d’un délire, d’une affectation profonde de la perception de la Raison? […] L’expérience institutionnelle du XXe siècle prouve qu’un Etat, comme un sujet, peut délirer et toujours sur la base d’un discours qui subvertit la fonction généalogique et, à travers elle, la logique ternaire du corps, du mot, de l’image ou celle du grand récit, de la politique et du droit. »
Selon Franck Montaugé, l’explosion aujourd’hui de l’idéologie individualiste qui fait de chacun un être se rêvant tout puissant invite à poser de nouveau la question institutionnelle: « Perversion des pensées religieuses ou idéologiques, affaiblissement du politique qui ne fait plus ou pas suffisamment le lien entre les registres des grands récits et du droit, il revient à chacun d’entre nous, aux responsabilités qui sont les nôtres et dans le dialogue avec nos congénères, de contribuer à la consolidation, si ce n’est au relèvement des institutions, l’invention de formes nouvelles adaptées aux temps présent et futur n’étant pas interdite, et probablement nécessaire. »
« La place des religions et des spiritualités dans ce programme est pour moi évidente, ne serait-ce que parce que l’Homme se singularise dans le règne vivant tout autant par le langage, la pensée que par la croyance » conclut Franck Montaugé. « Croyances et spiritualités, remèdes au fanatisme? Possiblement!, dit-il, avec la posologie adaptée qui fait que le pharmacon ne tue pas mais soigne ou aide à vivre mieux. »
https://www.youtube.com/watch?v=sACyn4g3pn4
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