Mardi 24 janvier 2023, lors du vote du projet de loi relatif à l’accélération des procédures d’autorisation de construction de nouvelles installations nucléaires, le sénateur Montaugé s’est abstenu, comme l’ensemble de son groupe parlementaire.
Si le sénateur, chef de file de son groupe sur les questions de politique énergétique, partage l’objectif d’accélérer les procédures d’autorisation des projets nucléaires, il dénonce le retard pris par le Gouvernement sur le sujet et l’attitude de la majorité sénatoriale qui a voulu engager le débat sur le mix énergétique « à la sauvette » et en cours de débat public.
Lors de la discussion de ce texte en première lecture la semaine dernière, Franck Montaugé avait exposé en discussion générale les positions de principe de son groupe en matière de politique énergétique et au regard des atermoiements du Gouvernement depuis 5 ans sur le sujet de l’énergie, pourtant crucial pour tous les français, a fortiori depuis la crise Ukrainienne !
À l’issue du débat, Franck Montaugé a pris la parole pour expliciter sa position et celle de son groupe politique quant au vote de ce texte. Comme il l’avait fait antérieurement à l’occasion d’un débat sur la politique énergétique de la France, le sénateur Montaugé a rappelé le manque de clarté et de résolution des gouvernements en matière de transition de notre modèle énergétique.
« Au nom du groupe Socialiste Écologiste et Républicain, je voudrais ici rappeler le contexte et les objectifs qui étaient les nôtres dans la discussion de ce texte visant à accélérer la construction d’installations nucléaires sur site existant ou à proximité.
Le contexte. C’est celui de 5 années de désintérêt, de tergiversations au plus haut niveau de l’État qui débouche en février 2022 sur une décision de commande ferme de 6 EPR2 et de mise à l’étude de 8 unités supplémentaires… avec l’espoir d’une hypothétique mise en service en 2035 au mieux… et cela sans avoir lancé de débat ou de consultation un tant soit peu démocratique avec les premiers concernés, nos compatriotes.
Pendant des années nous avons sollicité, sans cesse, les gouvernements les uns après les autres pour engager ce débat avec les français et ici au Parlement, avec vous. Nous vous avons interpellé sur la nécessité de prendre le temps d’un débat approfondi sur le mix énergétique à faire évoluer au regard de la sortie nécessaire des énergies fossiles. Sans cesse nous avons rappelé la situation alarmante d’EDF et la crise de l’énergie que nous voyions se développer bien avant la crise géopolitique européenne actuelle.
Les objectifs. Quelle organisation pour l’énergéticien français bientôt, peut-être, 100% public ? Après Hercule et Grand EDF, toujours aucun échange sur le fond avec vous qui représentez l’État. Dans le cadre de quelle stratégie, avec quels moyens financiers, pour servir quels objectifs de souveraineté industrielle dans l’intérêt premier des consommateurs particuliers, professionnels et industriels ? Sur la base de quelles propositions françaises de réforme du marché européen ? Un marché qui a fait la démonstration de son inadéquation aux intérêts stratégiques des états membres et de l’Union Européenne.
En discussion générale, je disais que nous ne voulions pas que ce texte soit le prétexte d’un pseudo débat d’affichage sur une partie, fut-elle importante, du mix énergétique dont la France a urgemment besoin pour répondre aux enjeux climatiques !
Sans débat de fond, entre nous, sur ce que pourrait ou devrait être le mix énergétique, la majorité sénatoriale a élargi le périmètre du texte initialement consacré à la simplification des procédures de délivrance des autorisations.
Nous nous sommes opposés à ce changement de périmètre. Pourquoi ? Parce que ce débat ne peut pas être traité à la légère, ici au Parlement, au détour et en quelques heures de discussion d’un texte qui ne lui est pas pleinement consacré et qui n’a pas été préparé pour cela ! À tout le moins convenez-en, une solide étude d’impact est nécessaire s’appuyant au moins sur les études robustes de RTE (Réseau de transport d’électricité) ou de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) notamment. Et là, pour le seuil des 50% comme pour celui des 63,2 GW, rien !
Parce que nous ne sommes plus dans les années 60 ou 70 et que ce débat intéresse et concerne l’ensemble des français !
Parce que, comme le prévoit la Charte Constitutionnelle de l’environnement, les français ont à connaître et doivent pouvoir discuter des politiques énergétiques et climatiques qui conditionneront la durabilité si ce n’est la viabilité du monde de demain.
À contrario du trop peu de considération – c’est un euphémisme – qui a été fait de la « convention citoyenne sur le climat », nous devons respecter les débats en cours de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) sur l’avenir énergétique du pays et la composition de notre futur mix énergétique (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) ainsi que les consultations sur les nouveaux EPR2. Respecter la dimension consultative ou participative de notre démocratie ne nous permet pas d’anticiper sur le contenu de la future loi quinquennale qui sera examinée par le Parlement en 2023.
Le mix devra résulter d’un optimum combinant les différents modes de production disponibles tout en tenant compte de leurs impacts spécifiques divers. Et nous n’écartons, a priori, aucun moyen de production décarboné !
Dans une perspective d’emplois et de souveraineté nationale, nous devrons nous donner l’objectif de filières industrielles implantées dans nos territoires. La formation et la reconnaissance des métiers devront être notre priorité. Et cela pour chaque mode de production.
Au plan technique, les possibilités de prolongation des réacteurs pèseront lourd dans le mix retenu. Elles ne sont pas connues. L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) ne les a pas instruites à ce jour. Et au moment où nous parlons, beaucoup d’incertitudes technologiques restent aussi à lever.
En considération de ces différents aspects, soyons réalistes et rationnels afin de prendre une position politique éclairée dont les effets seront majeurs sur le long terme. C’est la position de principe du groupe Socialiste Écologiste et Républicain. Quant au débat, tous nos amendements de retour au périmètre initial ont été rejetés.
Nous avons aussi voulu porter le débat sur des points de vigilance qui méritent attention. Ceux relatifs à la nécessaire prise en compte des aléas climatiques extrêmes : ressource en eau, traits de côtes, inondations etc. Sujets qui, avec d’autres, conditionneront la performance et la sécurité du parc de production nucléaire dans les décennies à venir. Sur ce point, notre groupe a obtenu que soient confortés les moyens humains de l’ASN (et de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) pour à la fois maîtriser l’emploi du nucléaire et les nouvelles contraintes liées aux changements climatiques nécessitant des expertises supplémentaires.
Enfin, sur les conséquences des procédures dérogatoires proposées par le texte, je soulignerai deux avancées sur la base de nos propositions :
- D’abord le renforcement du dialogue avec les exécutifs locaux en amont de la mise en œuvre des procédures dérogatoires de mise en compatibilité des documents d’urbanisme.
- Ensuite la faculté de s’assurer que la consultation du public se déroule dans les meilleures conditions possibles pour tous les citoyens avec notamment la possibilité de consulter un dossier papier à la mairie par exemple.
En définitive, le texte qui est soumis à notre vote est hybride puisqu’il traite d’une part de procédures et qu’il aborde d’autre part, sans la traiter correctement et loin s’en faut, la question centrale du mix énergétique.
Sa portée, pour être réelle et utile, est aussi à relativiser. Il permettra de gagner une année voire 2, après que le pays en ait perdu 5 sur le sujet et pour des installations industrielles dont la durée de vie pourrait être de 60 ans ou plus.
En conséquence, le groupe Socialiste Écologiste et Républicain s’abstiendra. Et nous vous demandons, par un travail approfondi et dès maintenant avec le Parlement, d’engager sans tarder le processus de révision du mix énergétique national. »
A l’issue du scrutin, le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi relatif à l’accélération des procédures de construction de nouvelles installations nucléaires sur sites existants ou à proximité par 239 voix POUR, 16 CONTRE (écologistes) et 78 ABSTENTION (socialistes et communistes).