Dans le cadre de l’examen du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), le sénateur Franck Montaugé a défendu la cause des retraités agricoles et présenté, jeudi soir, un amendement destiné à revaloriser le montant de leurs pensions et qui n’a finalement pas été adopté.
« Agriculteurs expérimentés, jeunes agriculteurs, retraités agricoles, nombre de nos agriculteurs, de ces hommes et de ces femmes qui ont travaillé nos paysages et fait de l’économie agricole française un motif pour nous de fierté et une des premières au monde, souffrent ! Certains d’entre nous ici ont voulu surmonter ce qui peut apparaître à d’autres comme une fatalité : que les règles pures et surtout dures du marché libéral et de la concurrence sauvage devaient, aux dires de certains théoriciens, régler avec quelques ajustements de libres marchés.
« Avec mon collègue Henri Cabanel nous avons présenté ici et fait voter à l’unanimité une proposition de loi visant à instaurer un fonds de garantie du revenu du producteur agricole, un Instrument de stabilité du revenu, anticipant ainsi des propositions qui émergeront peut-être des états généraux de l’alimentation en cours. Ce texte est aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Il pourrait être utilement repris. Depuis quelques temps, à grand renfort d’assises, d’états généraux divers et variés, la Nation se porte au chevet de son agriculture, de ses producteurs qui se voient dérobée, volée, la juste valeur de leur travail, au profit la plupart du temps des acteurs de l’aval des filières.
« Et en faisant ce rappel, je ne m’éloigne pas du PLFSS. Plus de 150 suicides en 2016, des histoires familiales marquées tragiquement pour des générations, des vies vidées de sens et de toute espérance, des conditions de vie précaires et parfois, trop souvent, indignes d’un pays développé, cette situation est intenable et ne peut plus durer ! Avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, je plaide pour que nous ouvrions de nouvelles perspectives aux actifs, et je veux vous convaincre que la revalorisation des retraites agricoles doit et peut en faire partie, en complément de la reconnaissance de la juste valeur de leur travail de production. »
« Financer cette mesure sur une augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières est approprié, juste et vertueux, je le crois ! Dans les transactions financières (500 milliards d’euros quand même), je rappelle que pour une part non négligeable, il y a des produits financiers qui se réalisent sur les marchés qu’on appelle dans ce milieu les commodities, les matières premières agricoles. La réalité crue de ce monde-là, c’est qu’une part importante de la valeur qui manque aux producteurs vient faire le bonheur des traders ! J’en suis heureux pour eux, quoi que !…, beaucoup moins et même pas du tout pour nos agriculteurs actifs et nos retraités agricoles. D’où l’amendement que je vous présenterai dans quelques instants pour redonner quelques raisons d’espérer avant qu’il ne soit trop tard pour toujours beaucoup trop d’entre eux ! Et je n’ai pas le temps de détailler, mais on le sait tous ici, que les retraites et les revenus du monde agricole font souvent une part essentielle de l’économie de redistribution de nos territoires ruraux. Nos artisans, nos TPE et nos PME en dépendent largement.
Présentation de l’amendement
« Je présente cet amendement au nom de Claude Berit-Debat, d’Henri Cabanel et de tout le groupe Socialiste et républicain. Cet amendement est en relation directe avec l’article 28 qui vise à revaloriser le montant l’Allocation de solidarité pour les personnes âgées (Aspa), le minimum vieillesse. Il vise à revaloriser le niveau minimum des pensions de retraites des exploitants agricoles. Au-delà de sa nécessité, cet amendement a une histoire. À l’initiative de plusieurs députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine (GDR) de l’Assemblée nationale, une proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions des retraites agricoles en France continentale et dans les outre-mer a été adoptée à l’unanimité le 2 février 2017.
Notre amendement s’inscrit dans la continuité des avancées votées entre 1997 et 2002 :
- revalorisation du montant des pensions;
- création du statut de conjoint collaborateur ;
- mise en place du régime de retraite complémentaire (RCO) visant à garantir un niveau de pension égal à 75 % du SMIC.
Il vient renforcer également les progrès réalisés entre 2012 et 2017 consistant
- à étendre la RCO aux conjoints et aidants familiaux,
- à prendre en compte l’invalidité et surtout
- à revaloriser les retraites agricoles afin de leur faire effectivement atteindre 75 % du SMIC en 2017, grâce à un apport de 900 m€.
Malgré ces avancées, ces retraites agricoles restent faibles et elles justifient d’aller plus loin. Le présent amendement reprend les dispositions votées à l’unanimité à l’Assemblée nationale :
- le montant minimum de la retraite des non-salariés agricoles est porté à 85 % du SMIC pour une retraite complète ;
- le financement est assuré par une taxe additionnelle de 0,1 % à la taxe sur les transactions financières qui serait ainsi portée de 0,3 % à 0,4 %
- pour un rapport de l’ordre de 500 m€ supplémentaires affectés à la caisse centrale de la MSA;
- attribution automatique de points gratuits de retraite complémentaire agricole pour les non-salariés ultramarins lorsque le taux de 75 % du SMIC net n’est pas atteint ;
- possibilité pour l’État d’étendre les régimes de retraite complémentaire aux salariés agricoles de l’ensemble des collectivités d’outre-mer en cas de confirmation de l’échec des négociations entre partenaires sociaux, celles-ci n’ayant abouti qu’en Guyane et en Martinique.
Prenant la parole à la suite du rapporteur de la commission des comptes de la Sécurité sociale et de la ministre de la Santé qui tous deux ont émis un avis défavorable à cet amendement, le sénateur Didier Guillaume, président du groupe des élus socialistes et républicains s’est exprimé pour exhorter ses collègues à voter ce texte. « Ce serait l’honneur du Sénat, dit-il, de voter cet amendement de solidarité et de cohérence. Les agriculteurs souffrent beaucoup, ils ne vivent pas de leur travail. Les agriculteurs de France ne comprendraient pas qu’alors que la Sénat a eu la possibilité de conforter un vote unanime émis à l’Assemblée nationale, que profitant de l’examen du PLFSS ce soir, la solidarité du Sénat ne s’exprime pas. » A l’issue d’un scrutin public, le Sénat a rejeté l’amendement (93 voix pour, 248 contre).