Le sénateur Franck Montaugé s’est exprimé, mercredi 24 juin, dans le cadre de l’examen de la proposition de résolution portée par le groupe RDSE et visant, en application de l’article 34-1 de la Constitution, à encourager le développement de l’assurance récolte. Un sujet, a souligné Franck Montaugé en préambule de son intervention « qui, effectivement, peine à progresser si on se réfère aux chiffres de développement de l’assurance qui ont été rappelés. L’assurance récolte fait partie des outils de gestion des risques en agriculture. Depuis 2016, le groupe Socialiste et Républicain a été, au sein du Sénat, une force de proposition sur le sujet du développement des outils de gestion des risques en agriculture. Le trio de l’époque, dans l’ordre alphabétique était composé de d’Henri Cabanel, de Didier Guillaume et de votre serviteur. Nous disions alors, et le propos n’a pas pris une ride depuis, que la mise en œuvre d’une véritable politique de gestion des risques en agriculture est essentielle à l’heure de la multiplication des aléas économiques, climatiques et sanitaires. »
« Face au constat que la France ou l’Europe ne peuvent pas peser réellement sur les cours des marchés agricoles dans une optique de stabilisation et de régulation, il convient en effet de prévoir des mécanismes de soutien aux agriculteurs qui leur apportent une aide dans les périodes difficiles et une capacité d’épargne attractive dans les périodes plus favorables. Les deux textes votés en 2016 à l’initiative du groupe socialiste du Sénat préconisaient de développer une véritable politique contracyclique afin d’être en phase avec les besoins et les attentes du monde agricole. Tout cela dans une perspective claire de soutien du revenu. Le 6 avril 2016 nous adoptions ici, au Sénat, une proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture. Cette résolution proposait :
- d’encourager la solidarité professionnelle afin que les filières travaillent ensemble pour développer des organisations économiques plus résilientes,
- de construire un système de mutualisation du risque économique avec un objectif de stabilisation et de garantie des revenus,
- de déterminer les conditions dans lesquelles le mécanisme de stabilisation des revenus au sein du deuxième pilier de la PAC pourrait être mis en œuvre en France,
- et de rendre le dispositif de l’assurance-récolte plus attractif et plus accessible pour les exploitants.
Et le 30 juin 2016 le Sénat adoptait une proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture. Dans ce texte nous proposions notamment :
- la mise en place d’un fonds de stabilisation des revenus agricoles
- la mise en œuvre d’expérimentations de mécanismes de gestion des risques économiques agricoles et de stabilisation des revenus dans les territoires et les filières,
- ou encore l’intensification de l’intervention du FNGRA en matière d’aides à la souscription d’une assurance en agriculture.
« Nous financions ces mesures par une augmentation de la Tascom sur les surfaces de plus de 2500m2, la mise en place d’une taxe sur les transactions financières (TTF) sur les marchés des matières premières agricoles, ou encore la hausse de la contribution de la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles. Ce texte avait été adopté à l’unanimité au Sénat mais n’a pas terminé sa navette. En 2019, toujours à l’initiative du groupe Socialiste et Républicain du Sénat, une mission d’information relative à la gestion des risques et à l’évolution de nos régimes d’indemnisation était constituée. Si la majeure partie des préconisations formulées en juillet 2019 concerne le régime général des catastrophes naturelles, le rapport préconise également des réformes qui rejoignent totalement notre débat d’aujourd’hui, à savoir :
- déplafonner le rendement de la contribution additionnelle aux primes ou cotisations afférentes à certaines conventions d’assurance alimentant le FNGRA,
- réduire les effets de seuil permettant l’entrée dans le régime des calamités agricoles en rendant éligible un agriculteur remplissant soit le critère de perte de rendement soit le critère de perte de produit brut,
- diminuer, comme le permet le droit européen depuis le règlement Omnibus, le seuil de déclenchement à 20 % de pertes et augmenter le taux de subvention publique à la prime d’assurance du contrat socle à 70 % (au lieu de 65 %),
- allonger la durée permettant le calcul de la moyenne olympique pour mieux évaluer la perte de rendement théorique des agriculteurs permettant d’être éligible au régime des calamités agricoles.
En définitive, la proposition de résolution du groupe RDSE rejoint – voire reprend – des positions et propositions déjà portées par le groupe Socialiste et Républicain ces dernières années. Le groupe Socialiste et Républicain se réjouit d’avoir ouvert la voie … si j’ose dire ! Tous les groupes de la Haute Assemblée s’étaient retrouvés à l’époque sur ces propositions, je voulais le souligner aussi. Nous devons unir nos forces pour soutenir l’agriculture française.
« Alors pourquoi les outils ne se développent-ils pas ? interroge Franck Montaugé. Pourquoi ces textes votés par une importante majorité au Sénat n’ont-ils pas prospéré jusqu’à devenir loi ? Il est évident que le contexte européen n’est pas étranger à cette situation. Les États-membres peinent à se mettre d’accord sur le cadre financier pluriannuel (CFP) du budget de l’Union européenne et la pandémie du Covid-19 complexifie encore ce préalable majeur. A cela s’ajoute l’annonce du green new deal qui – s’il est réellement mis en œuvre – rebattra très clairement les cartes de l’ensemble des politiques européennes. Si la contribution budgétaire de chaque État-membre reste identique, que deviendront les budgets sectoriels, celui de la PAC en particulier ? Les inquiétudes qui sont les nôtres depuis le début du processus de révision de la PAC restent entières à ce jour. Monsieur le Ministre nous dira ce qu’il en est des perspectives d’aboutissement des négociations en cours. Concrètement, pourra-t-on affecter de façon significative des fonds publics pour développer l’assurance récolte dans le cadre d’une PAC dont le budget à € constant diminuerait ? Ne faut-il pas mettre en place une TTF pour abonder les ressources publiques qui pourraient être affectées à l’assurance récolte, au FSRA, au FNGRA et à d’autres comme le FMSE. C’est là un point majeur de contexte par rapport au sujet qui nous intéresse ce matin. »
« La PAC a atteint la plupart de ses objectifs initiaux mais elle n’a pas répondu de façon satisfaisante et durable, et loin s’en faut, à la question du revenu du producteur. Pas davantage n’a permis d’y parvenir, à ce jour en tout cas, la loi Egalim. L’assurance récolte doit être développée, ça ne fait aucun doute, mais qu’en sera-t-il de la façon de compenser les baisses du premier pilier et du second pour ce qui concerne la poursuite et le renforcement indispensable de la transition agro-écologique ? Au plan économique, où trouverez-vous les ressources publiques nécessaires à l’accompagnement des agriculteurs qui veulent souscrire ces polices d’assurance mais dont leur revenu ou leur épargne les empêchent ? Quels crédits envisageriez-vous de redéployer ? Au plan environnemental, ne faut-il pas aider davantage à la prise d’assurance ceux qui investissent pour la transition climatique, la biodiversité, la qualité de la ressource en eau etc ? Au plan culturel, la gestion des risques en agriculture est-elle pratiquée, maîtrisée par tous les chefs d’exploitations eux-mêmes ? »
« L’assurance récolte est un moyen, le plus évident peut-être, mais d’autres outils de gestion des risques agricoles méritent d’y être rajoutés pour construite une véritable résilience à l’égard de tous les aléas potentiels. En réalité c’est une acculturation à ces techniques complémentaires les unes des autres qui est nécessaire pour que la réussite individuelle et collective soit au rendez-vous. La montée en connaissance et en compétence sur ces sujets techniques permettra que les stratégies des filières et des exploitations se complètent pour maximiser l’efficacité globale de la ferme France. Je ne reviendrai pas sur les paiements pour services environnementaux mais vous savez que je considère qu’ils font également partie des outils qu’il faudra développer à l’avenir pour soutenir le revenu agricole. »
« D’autre part, ajoute Franck Montaugé, sans une adhésion et un engagement des agriculteurs le plus large possible, rien ou peu de chose ne pourra se faire à une échelle significative. Monsieur le Ministre, en 2019 vous vous disiez favorable à une assurance récolte généralisée et mutualisée. Les idées émises par le groupe de travail mis en place à votre initiative sont intéressantes. Un fonds de mutualisation étendu à la Ferme France, la mise en place de contrats à terme, l’intéressement des sociétés d’assurance. Quels que soient les outils, la part de financement de l’État devra être conséquente. Celle des agriculteurs également, mais encore faudra-t-il leur faire la démonstration qu’ils y gagnent plus qu’ils n’y perdent. Il serait intéressant que vous nous disiez comment et avec quels moyens vous envisagez d’avancer sur ces pistes rapidement. En effet, et comme je le disais au début de mon intervention, ce ne sont pas les bonnes intentions et les idées qui manquent sur ce sujet, mais davantage les prises de décisions fortes et structurantes. Le contrat socle de 2016 était une première étape importante, il s’agit désormais d’en engager une nouvelle. » La proposition de résolution a été adoptée à l’unanimité.