Le Sénat a rejeté, mardi, la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les malades en fin de vie précédemment adoptée par l’Assemblée nationale. « Les sénateurs socialistes ont voté contre le texte sur la fin de vie qui a été dénaturé par la position réactionnaire d’une partie de la droite » a déclaré le groupe socialiste du Sénat dans un communiqué de presse. En cause, la suppression d’un certain nombre de droits qui constituaient une avancée par rapport aux textes Kouchner et Léonetti, tels que le droit à la sédation continue jusqu’au décès, ou le droit pour chacun de voir ses directives anticipées reconnues et respectées.
Présenté par la ministre de la Santé Marisol Touraine, le projet de loi avait pour objectif principal d’améliorer le contenu de la loi Léonetti sans pour autant remettre en cause son cadre d’application: « Cette proposition de loi, avait rappelé le co-rapporteur de la commission des Affaires sociales Michel Amiel, concerne non les personnes qui veulent mourir, mais celles qui vont mourir. » Un cadre qui exclut de fait tous les patients atteints de maladies incurables, exposés à des souffrances intolérables, mais qui ne sont pas objectivement en fin de vie.
Le texte présentait néanmoins deux innovations majeures: la sédation profonde et continue pour les personnes atteintes de maladies incurables, réfractaires à tout traitement, lorsque le pronostic vital est engagé, et le caractère contraignant pour les médecins des directives anticipées rédigées par les malades.
« En séance, l’article 3 a été vidé de son sens par l’amendement de M. de Legge et de ses collègues (lire ici) qui ont supprimé le caractère continu de la sédation: le fantasme de la dérive euthanasique l’a emporté » a déploré le sénateur socialiste Georges Labazée. « L’article 8 a également été modifié pour ôter aux directives anticipées tout caractère contraignant », dit-il encore.
« Toutes et tous souhaitions aller plus loin que la loi Léonetti, a déclaré quant à elle la sénatrice écologiste Corinne Bouchoux. Nous étions trop peu nombreux à vouloir faire prévaloir la volonté d’une personne qui, souffrant d’un mal incurable, ne souhaite plus souffrir. Mais pas un instant, nous n’avions anticipé ce qui se passerait dans la nuit, ce détricotage d’abord masqué, puis affirmé », dit-elle.
Déjà, la semaine précédente, dans le cadre de la discussion générale, le Sénat avait rejeté un amendement visant à introduire dans la loi une « exception d’euthanasie ». Porté par le sénateur socialiste Gaëtan Gorce, cet amendement (lire ici) proposait d’introduire six alinéas supplémentaires permettant à la loi de répondre à la demande de « mort médicalement assistée » d’une personne « en phase avancée et non-terminale d’une affection grave et incurable ».
« La loi Léonetti a réglé un grand nombre de cas, mais pas celui des personnes qui souffrent atrocement sans qu’aucun traitement ne soit disponible », avait expliqué Gaëtan Gorce. Le texte de l’amendement proposait qu’une commission régionale ad-hoc composée de médecins, de psychologues, de juristes praticiens et de représentants de la société civile puisse se prononcer sur les demandes exprimées par les patients et autoriser, s’il n’existe aucune autre solution satisfaisante, le médecin qui l’a saisie à apporter son assistance à mourir au malade. L’amendement 29, qui aurait pu élargir le cadre de la loi, n’avait pas été adopté.
La suppression par amendements des deux seules avancées notables que proposait le texte sur la loi Leonetti a entraîné le rejet du texte à une forte majorité (196 voix contre 87). A l’issue de ce débat qui n’a pas permis de faire progresser notre pays sur ces questions difficiles, Franck Montaugé souhaite qu’à l’avenir « le Sénat redevienne, sur la base de valeurs humanistes et raisonnées largement partagées, une force de proposition en matière d’évolutions sociétales très majoritairement voulues par nos concitoyens ».