Discussion Générale
Jeudi 2 mars 2023, le Sénat a débuté l’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, portant sur la réforme des retraites. À cette occasion, Franck Montaugé et le Groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) ont pu expliquer et affirmer leur opposition à ce texte, dont la mesure centrale – l’allongement du temps de travail à 64 ans avec 43 annuités de cotisation – n’est ni juste ni justifiée.
Les groupes de gauche ont directement défendu deux motions de rejet et une motion référendaire permettant de consulter l’avis des citoyens sur ce texte. La majorité sénatoriale de droite s’est opposée à ces motions qui n’ont donc pas été adoptées.
Patrick Kanner, Président du groupe SER, s’est exprimé à l’occasion de la discussion générale du texte pour indiquer la position des socialistes à l’égard de la réforme. Au nom du groupe, il a souligné l’injustice de cette réforme pour ceux qui exercent des métiers pénibles et qui sont déjà contraints à des carrières longues et difficiles. Cet allongement du temps de travail est censé équilibrer le solde de la Sécurité Sociale mais d’autres moyens sont possibles pour y parvenir et la loi votée en 2014 y pourvoyait progressivement à partir de 2020. A l’inverse de ce dispositif équilibré, les Gouvernements ont procédé depuis 2017 à de nombreuses exonérations de cotisations, souvent au bénéfice des foyers et des personnes les plus aisés.
Le délitement de notre modèle social se fait donc au détriment du travail et de ceux qui en ont le plus besoin et au profit du capital. Les évolutions de la part du travail et du capital dans la valeur ajoutée en attestent.
L’intervention du Président Kanner :
« Toute la bataille menée depuis le XIXe siècle se trouve ainsi résumée : la bataille pour le temps de vivre. La conquête du temps de vie. Quelle était cette vie pour un prolétaire au XIXe siècle ? Il n’y avait pas de retraite à la fin de la vie, il n’y avait pas de journée de repos, il n’y avait pas de week-end. »
Quarante-deux ans plus tard, ces mots du président Mitterrand résonnent dans notre hémicycle. Issu du Nord, où l’espérance de vie est plus basse de deux ans que la moyenne nationale, je sais ce que veut dire le travail, dans le bassin minier à Denain ou Douai, dans les usines textiles de Roubaix et Tourcoing, dans les usines métallurgiques de Maubeuge et Dunkerque.
Toujours, sous tous les régimes, il a fallu arracher les concessions aux puissants et un peu de « temps de vivre » pour les salariés.
J’ai aujourd’hui face à moi ceux qui veulent revenir sur ces conquêtes sociales – toujours pour les mêmes raisons : l’argent, quoi qu’il en coûte sur le plan social.
Les majorités de droite, relative à l’Assemblée nationale, indiscutable au Sénat, font face aux Français, en opposition frontale. Aujourd’hui, nous nous battons, non pour arracher des concessions, mais pour qu’elles n’arrachent pas du temps de vivre aux Français – un nouvel impôt sur la vie. Ils ont fait le choix de l’injustice, plutôt que l’équité.
La retraite par répartition s’est forgée dans les luttes sociales : la Libération et les jours heureux, 1981 et ses grandes conquêtes. Vous attaquez un pan de l’histoire. Rien d’étonnant venant de la droite, qui fait son fonds de commerce du détricotage de notre modèle social.
Article Liminaire
Le sénateur Montaugé est intervenu dès la discussion de l’article liminaire du texte (lire son intervention ICI). Cet article fonde les contours de la réforme en exposant les soldes budgétaires des administrations françaises, et notamment de la Sécurité Sociale. Seul l’indicateur du « Produit Intérieur Brut » est utilisé comme référence.
Franck Montaugé soutient qu’ « un État n’est pas riche du fait de seul son seul PIB ». Cet indicateur ne traduit pas la réalité sociale du pays, la pénibilité du travail ou la qualité et l’espérance de vie. Les critères quantitatifs du PIB ne peuvent ainsi justifier une réforme aux conséquences si importantes pour la vie des français. Il a ensuite appelé à rejeter cet article liminaire, en défendant un amendement de suppression (lire l’intervention intégrale ICI) :
« Ce dont il s’agit en premier lieu ici, c’est de la vie de nos compatriotes et de ceux, notamment, qui travailleur dur, longtemps, trop souvent jusqu’au soir de leur vie pour faire fonctionner notre économie et nos services publics (…). Leur investissement est au fondement du contrat social et nous ne pouvons pas le réduire à une fraction d’un critère quantitatif comme le PIB ».
Cet amendement proposé par le sénateur Montaugé a été rejeté par la majorité sénatoriale. L’article liminaire a ainsi été voté à 250 voies « pour » et 91 « contre ».
Article 1
L’examen du texte s’est ensuite porté sur l’Article 1 qui met fin à la majorité des régimes spéciaux. Pour Franck Montaugé, le Gouvernement amplifie délibérément leurs poids pour les caisses de la Sécurité Sociale. Celui des clercs et employés de notaires (voir ICI) est d’ailleurs au contraire excédentaire et permet à un secteur majoritairement féminin de bénéficier d’une meilleure protection contre les aléas professionnels et personnels. Les autres régimes, comme celui des industries électriques et gazières (voir l’intervention ICI), de la RATP (ICI) ou du CESE (ICI) permettent à ces secteurs essentiels de rester attractifs alors que parfois – et c’est le cas pour la RATP – les candidats à l’embauche sont trop peu nombreux. L’exécutif souhaite ainsi mettre fin aux statuts historiques qui ont contribué en tant qu’élément d’attractivité au développement des services publics depuis l’après-guerre. Sur la forme, le Gouvernement a aussi choisi une procédure dérogatoire (temps de débat parlementaire limité notamment) pour faire voter une réforme sociale de grande ampleur qui aurait dû être traitée dans le cadre d’une loi ordinaire. Le Conseil Constitutionnel sera saisi à ce propos.
Le sénateur Montaugé a défendu 6 amendements pour supprimer cet Article 1 et sauvegarder ces régimes spéciaux, justifiés pour les entreprises concernées, leurs salariés et les cadres d’emploi concernés.
L’Article 1 a cependant été adopté par la droite et le centre, à 233 suffrages contre 99. Les amendements du sénateur n’ont pas été adoptés.
Après l’Article 1
Les discussions faisant suite à l’Article 1 se sont portées sur la possible transformation de notre système de retraites par répartition en régime par capitalisation.
Un rapport était demandé par la droite sénatoriale sur les conséquences d’un régime par capitalisation. Franck Montaugé s’y est opposé en séance (Lire ICI), dénonçant la connivence entre la droite sénatoriale et le Gouvernement pour financiariser progressivement nos régimes de retraites. Cet article additionnel a été adopté malgré l’opposition des groupes de gauche et divers sénateurs centristes, à 163 voies contre 126.
L’article 1er Bis ajouté à l’initiative de la majorité présidentielle à l’Assemblée Nationale, est dans le même esprit. Il porte plus spécifiquement sur la possibilité d’un système universel « à points » des retraites, pourtant déjà rejeté par les français en 2019. Le sénateur Montaugé a défendu un amendement de suppression de cet article (Lire ICI), adopté à 292 voies contre 1.
L’idée d’un futur système universel a donc été massivement rejetée sur la base des propositions de suppression des sénatrices et sénateurs de gauche.
Article 2
L’examen du texte s’est poursuivi sur l’Article 2 instaurant un « index sénior » censé inciter les entreprises à recruter des personnes de 55 ans et plus. Mais cet « index » tel que proposé par le Gouvernement est une véritable coquille vide, sans contrainte ni conséquence sur les politiques d’embauche ou managériale. Le sénateur Montaugé a défendu un amendement de suppression de cet article (Lire ICI), contestant d’abord son bien-fondé.
Parce que, pour tous les français, la question centrale est celle de la place et du rapport qu’ils ont avec le travail dans leur vie, le Gouvernement aurait dû faire légiférer sur une « politique du travail » adaptée aux enjeux du 21ème siècle. Et dans ce sujet, l’emploi des séniors (comme celui des jeunes) est un enjeu majeur de société qui doit donc être traité dans une « Loi travail » ambitieuse et non au détour d’un article sur le financement de la sécurité sociale.
Son amendement a été rejeté. L’Article 2 est adopté à 244 voies contre 96.