Intervenant mardi 1er décembre à la tribune du Sénat dans le cadre de la discussion du volet Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales du projet de loi de finances 2021, le sénateur du Gers Franck Montaugé a émis de sérieuses réserves sur un projet de budget qui ne prend pas suffisamment en compte les difficultés actuelles du monde agricole.
« Globalement apprécié, le budget agricole 2021 reconduit les crédits de 2020, à l’exception de quelques points importants comme le Compte d’Affectation Spécial « Développement Agricole et Rural » (CASDAR). La question est donc de savoir comment et à quoi ces moyens vont être utilisés pour répondre aux enjeux et aux difficultés auxquels l’agriculture française est confrontée », s’interroge Franck Montaugé.
« Le budget agricole doit être apprécié à l’aune des questions qui touchent :
– le revenu des agriculteurs et la compétitivité de la « ferme France »,
– l’adaptation aux évolutions climatiques et environnementales,
– l’évolution du système agricole français qui s’éloigne toujours davantage du modèle de l’exploitation familiale. »
« Sur le revenu, la bonne idée des Etats Généraux de l’Alimentation n’a pas tenu sa promesse et la « loi Egalim » n’a eu aucun effet », constate-t-il. « Et la baisse à venir de l’ordre de 10% à euro constant du budget de la Politique Agricole Commune ne va rien arranger. »
« A ce stade – mais monsieur le Ministre reviendra peut-être dessus – rien n’est prévu en matière d’outils novateurs de gestion des risques. Les besoins en eau – qui devraient être considérés comme « grande cause nationale » – sont largement insatisfaits pour faire face à l’avenir immédiat. »
« A ces points problématiques s’ajoute la question du devenir productif de pans entiers du territoire agricole – ces terroirs naturellement peu favorisés par la qualité agronomique des sols, les conditions pédoclimatiques d’exploitation et souvent la topographie des terrains. Monsieur le Ministre, j’ai compris que vous y étiez favorable, il nous faut donner un contenu à la notion de « zones intermédiaires ». Ce qui est en jeu, ce sont les systèmes de polyculture élevage qui étaient adaptés à ces terroirs et qui permettaient aux agriculteurs qui s’y sont succédé des générations durant, d’en vivre correctement. »
« Ce n’est plus le cas et je ne compte plus, chez moi, dans le Gers, les exploitants qui disent que tout ou partie de leurs terres ne sera pas reprise. Nos paysages vont se refermer, la nature va reprendre ses droits et nous connaitrons des problèmes de sécurité publique comme les incendies et la prolifération de la faune sauvage. Cette question concerne la nation dans son ensemble, toutes les composantes de la société, rurales comme urbaines ou métropolitaines. Ce que les agriculteurs apportent de positif, il faut leur reconnaitre et leur rémunérer par la mise en œuvre de Paiements pour Services Environnementaux (PSE). Ce dispositif doit être au cœur du futur Plan Stratégique National (PSN) et de l’écoshéma français. »
« Je vous soumets aussi l’idée d’aides directes qui seraient pondérées en fonction des rendements historiques de référence. Je constate que, dans le budget, les Indemnités Compensatoires de Handicaps Naturels (ICHN) sont en baisse et que des terroirs en ont été exclus sans explication de l’État à ce jour. Le plafonnement des aides devra aussi être débattu. »
« Pour ce qui concerne la compétitivité de notre agriculture, elle se dégrade mais il faut garder une ambition haute ou y revenir. Cela doit être fait sans sacrifier la qualité de nos produits et en étant extrêmement strict sur la réciprocité des échanges agro-alimentaires. Le statu quo actuel fragilise notre position en Europe et dans le monde. Que comptez-vous faire faire sur ce point avec les moyens alloués en 2021 ? » questionne le sénateur Montaugé.
« Il faudra aussi que votre ministère approfondisse l’orientation agro écologique. A cet égard, nous ne comprenons pas le sort qui est fait au CASDAR, la volonté manifeste de le faire disparaitre par son intégration au budget général alors que nous n’avons jamais eu autant besoin de recherches à financer pour sortir de l’usage des produits phytosanitaires. En 2019, 65 Millions d’euros du CASDAR n’étaient pas utilisés. De deux choses l’une : ou il n’y a pas de volonté d’accélérer la recherche, ou – et c’est sans doute l’explication – les moyens humains de recherche figurant au budget sont insuffisants. »
« Pour terminer, j’attire votre attention sur l’impératif d’engager un processus législatif à propos de la gestion du foncier. Ce qui se joue là, c’est la nature même de notre système agricole. D’année en année, on voit se développer des formes sociétaires, avec des investisseurs, des financiers… et petit à petit une population d’actifs agricoles transformés en exécutants. Ce modèle est-il le bon pour le monde paysan ? Est-il gage de vitalité pour les territoires ruraux français ? Je ne le crois pas et une grande loi foncière est nécessaire pour traiter cette question d’intérêt national. »
« Au final, nous considérons qu’au regard des enjeux que je viens d’évoquer, votre action dans les mois à venir nous permettra de porter une appréciation fondée sur votre politique agricole effective. En l’état, nous ne pourrons pas approuver les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du CASDAR » conclut Franck Montaugé.