« Au-delà des récentes réformes institutionnelles que l’on vient de vivre, je pense en particulier à la loi NOTRe, la question du développement économique est pour moi au cœur du devenir et de l’avenir des territoires ruraux comme le Gers ou son agglomération du Grand Auch » a déclaré le sénateur Franck Montaugé en ouverture de la journée organisée vendredi à Auch par Madeeli, l’agence du développement économique, de l’export et de l’innovation en Midi-Pyrénées. « Il ne s’agit pas pour nous de construire un développement qui aurait pour modèle les schémas du XXe siècle, mais bien plutôt de saisir les opportunités de l’économie qui émergent sous nos yeux à, la faveur de processus innovants au coeur desquels se trouvent le numérique, l’art et la culture. Ce sera pour moi le sens que nous donnerons, je l’espère, au futur schéma régional de développement économique d’innovation et d’internationalisation que la future grande région est appelée à concevoir avec tous les acteurs des territoires », ajoute Franck Montaugé.
Organisée dans le cadre du 28e Festival du cirque actuel, en partenariat avec Grand Auch Agglomération, le Centre d’Innovation et de Recherche Circassien (CIRCa), et avec l’appui du pôle Aerospace Valley et de la CCI du Gers, cette journée découverte pour les entreprises, les artistes, les directeurs artistiques, sur les perspectives ouvertes par les innovations technologiques dans le monde de la création a réuni une centaine de participants dans les locaux de Ciné 32. Des témoins de haut niveau ont fait part de leurs expériences de travail croisé entre le monde de l’industrie et celui de la culture. « Il faut réenchanter le monde industriel » a plaidé Agnès Paillard, vice présidente d’Airbus Group et présidente d’Aerospace Valley, qui a raconté comment Airbus avait initié une expérience de résidence d’artistes dans deux entreprises industrielles sous-traitante. « Il y a de plus en plus, chez ces jeunes que le système amène à devenir ingénieurs, la conscience d’un manque, celui de leur propre créativité », témoigne l’écrivain Yves Charnet qui participe, à Sup Aéro, à une expérience consistant à proposer aux élèves ingénieurs, en plus de leur cursus scientifique et technique, un détour par les disciplines des sens – écriture, théâtre, arts plastiques et musique- destiné à libérer leur créativité dans l’exercice de leurs futurs métiers.
Présidente du cluster MA Sphère, regroupement de seize acteurs créatifs et culturels, Emily Lecourtois rappelle « l’importance et le poids de la filière culturelle dans le développement économique », une filière qui participe à 3,2% du PIB, créée en Europe sept fois plus d’emplois que dans les télécommunications, et représente à elle seule 10400 emplois sur la métropole toulousaine. « Ce secteur est en croissance plus rapide que le secteur classique, il y a un véritable enjeu à développer cette filière », dit-elle, regrettant que porosité entre culture et économie classique soit encore si peu développée. La conséquence majeure est une grande difficulté à gagner la confiance des financeurs, toujours très frileux sur le secteur de l’entreprenariat culturel, alors même que les exemples de réussite ne manquent pas: en trois ans, l’incubateur parisien Créatis, opportunément installé au dernier étage de la Gaîté lyrique, à deux pas de l’école des Arts et Métiers, a permis de créer 80 entreprises qui ont généré 200 emplois.
Plusieurs expériences de création artistique en lien direct avec le monde de l’industrie permettent de créer des passerelles entre deux univers qui s’ignorent encore trop. Les stupéfiants travaux robotiques d’Aurélien Bory, ingénieur et artiste de la Compagnie 111 qui interroge la relation de l’Homme avec la machine, ou de Johann Le Guillerm avec sa planète à échelle humaine, une structure sphérique autonome extraordinairement complexe baptisée « La Motte« , en témoignent de manière très stimulante. Il en est de même pour l’expérience dont témoigne Emmanuelle Garnier, la directrice du laboratoire de recherche transdisciplinaire LLA-Creatis de l’université Jean-Jaurès. En partenariat avec Airbus, trois familles qui ont souvent du mal à se rencontrer, celle des chercheurs, celle des artistes et celle des industriels, sont engagées dans un projet commun. Baptisé « Paradise 1», ce projet consiste à créer un jardin de fleurs et de plantes technologiques. Ces fleurs bourrées de technologie sont réalisées par des chercheurs dans des laboratoires partenaires. « Elles seront amenées à bouger, à changer en fonction de tout un tas de paramètres. In fine, cela doit donner une exposition mais ce qui nous intéresse ici, c’est le processus qui va nous permettre d’arriver au but final » explique Emmanuelle Garnier.
Pour les élus de terrain, ces expériences qui intègrent l’art et la culture dans des processus d’élaboration très techniques trouvent un écho dans des démarches d’aménagement du territoire qui ont fait appel à la culture avec succès. Ainsi que l’a rappelé Agnès Paillard, la présidente d’Aerospace Valley, l’exemple de la ville de Bilbao, en Espagne, a permis de passer d’un seul coup, par la grâce d’un équipement culturel exceptionnel, le musée Guggenheim, du statut de ville post-industrielle déshéritée, à celui d’une ville moderne en plein développement. Dans un tout autre contexte, l’éclosion d’un quartier culturel sur le site de l’ancienne caserne Espagne à Auch, est aussi de nature à donner un coup de fouet au développement de la ville. « Le Circ, Centre d’innovation et de recherche circadien, fait partie aujourd’hui des douze pôles nationaux des arts du cirque français et nous en sommes très fiers, car c’est un moyen pour nous, en tant que territoire, de participer à la création culturelle française », explique le sénateur-maire Franck Montaugé. Alors que le festival Circa accueille aujourd’hui près de 30000 spectateurs chaque année, le cinéma de Ciné 32 draine plus de 200000 spectateurs sur le site.
« Ces succès sont le fruit d’une volonté politique », ajoute Franck Montaugé qui rappelle, en le remerciant publiquement pour cela, que « sans la volonté politique extrêmement forte de Martin Malvy de contribuer au développement de la culture sur les territoires ruraux, nous n’aurions jamais pu construire des projets comme ceux de Circa et de Ciné 32. Le département du Gers par son président Philippe Martin a également joué un rôle décisif à l’époque, et je salue aussi la contribution significative de l’Etat dans ces grands projets, dit-il. Il reste néanmoins beaucoup à faire: « Ne regardons pas passer le train du numérique, ce nouvel âge de la grammatisation comme l’appellent les philosophes, comparable dans ses conséquences sociétales à l’écriture et à ses développements ultérieurs, ajoute Franck Montaugé. Ce moment doit être un progrès de civilisation, les artistes doivent en être les contributeurs éclairés au côté des industriels et des territoires qui en ont compris les enjeux majeurs. » Et l’élu gersois d’en appeler « personnellement à un travail collectif, en réseau, que Madeeli dans le cadre de la stratégie régionale d’innovation et de son action dans le domaine du développement territorial pourrait concevoir et piloter de façon structurée et suivie dans le temps avec nous, acteurs de terrain économiques, associatifs et institutionnels. »