Invité à s’exprimer par le président Simon Faulong lors de l’assemblée générale des éleveurs du Gers qui s’est récemment tenue à Barran, le sénateur Franck Montaugé, membre du groupe de suivi sur la réforme de la PAC au Sénat, a invité les agriculteurs présents à s’intéresser de près à la réforme en cours de la politique agricole commune et à faire valoir leurs spécificités gersoises. Alors que la sortie de la Grande Bretagne de l’Union européenne a toutes les chances de bousculer l’agenda de la réforme, mais également d’en modifier sensiblement le contenu (la Grande Bretagne est contributeur net au budget de la PAC à hauteur de dix milliards d’euros), le sénateur du Gers complète les auditions réalisées au plan national par le groupe de suivi sur la réforme, par des auditions locales.
« Je veux pouvoir, en tant que sénateur gersois, faire valoir les spécificités gersoises dans les travaux que nous menons au Sénat », explique Franck Montaugé. Les incertitudes que font également peser sur le calendrier les prochaines élections européennes de 2019 ne doivent pas faire perdre de vue les six grandes priorités de travail et de réforme qui seront probablement retenues dans les semaines à venir au niveau européen. Ces six grandes priorités, le sénateur du Gers les a énumérées:
- « La première priorité, c’est la résilience, c’est-à-dire la capacité que nous avons à rebondir, à surmonter sans trop de dégâts les différentes crises auxquelles nous sommes confrontés, qu’elles soient sanitaires, environnementales ou liées aux marchés, explique Franck Montaugé. Ce que l’on constate, dit-il, c’est que de PAC en PAC, tous les mécanismes de régulation des marchés ont disparu. On fonctionne aujourd’hui sur des mécanismes ultra-libéraux de concurrence pure et dure. Vous êtes confrontés à ça en tant qu’éleveurs, mais c’est particulièrement vrai sur des productions céréalières avec des variations de prix extrêmement importantes. Donc, la question qui est posée c’est de savoir si l’on continue comme ça avec les conséquences que ça peut avoir sur l’emploi agricole et sur le devenir des territoires, ou si l’on se dote de mécanismes permettant de surmonter ou d’atténuer ces effets négatifs ? »
- « La deuxième priorité concerne tout ce qui touche aux défis environnementaux. On sait ce qu’il en est des conséquences du réchauffement climatique, par exemple des nécessités induites pour nous dans le Gers de pouvoir continuer à construire des retenues d’eau. La question des défis environnementaux est évidemment liée au réchauffement climatique et aux émissions de gaz à effet de serre pour laquelle les agriculteurs jouent un rôle positif qui doit à mon sens être mieux reconnu et valorisé dans la future PAC. Je pense en particulier à la biodiversité et aux mécanismes de séquestration du carbone.»
- « La troisième priorité, c’est le renouvellement générationnel: de quels outils se dote-t-on pour que des jeunes aient envie et puissent prendre la relève de ceux qui veulent prendre leur retraite? C’est une question majeure qui pour des départements comme le nôtre aura des conséquences sociales, économiques et territoriales . »
- « La quatrième priorité concerne les marchés, l’organisation des marchés, les stratégies de marché nationales et européennes internes à l’Europe et en lien avec les marchés mondiaux. Comment se dote-t-on d’un agricultures compétitives, répondant aux attentes des consommateurs, sur les différents marchés, locaux, nationaux, européens et mondiaux ? L’Union européenne exporte beaucoup en matière d’agriculture. Comment soutient-on cette exportation qui correspond aussi à une organisation d’agriculture particulière? Il n’y a pas une agriculture, il faut des agricultures. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas un marché mais des marchés. »
- « La cinquième priorité, c’est le renforcement de la position du producteur, de l’agriculteur, dans la chaîne de valeur ajoutée. Vous, éleveurs du Gers, avez pris l’option de vous affranchir le plus possible des intermédiaires. Ça vous permet d’éviter que la valeur ajoutée à l’origine de laquelle vous êtes ne soit captée en grande proportion par l’aval. Le sauvetage de l’abattoir d’Auch pour lequel vous avez pris, en même que vos responsabilités, une position déterminante illustre ce que peut être une stratégie public (Agglo, département, Région, Etat) – privée gagnante sur une partie de la filière qui vous concerne. Et la stratégie « qualité » que vous développez à partir de vos labels y contribue aussi mais on ne peut certainement pas tout faire en circuits courts. La question qui est donc posée à l’échelle nationale et européenne, c’est comment on organise tout au long de la filière une juste répartition de la valeur ajoutée, en particulier au bénéfice du producteur qui est à l’origine de la chaîne. Sans production, rien ne se passe, il n’y a de valeur nulle part. Raison de plus pour que le producteur soit reconnu et correctement rémunéré . »
- « Le sixième point, c’est la simplification de la PAC. La norme des normes en matière agricole aujourd’hui, c’est la PAC. La PAC est une norme d’une grande complexité. Nous sommes en outre sur un secteur où il faut se mettre d’accord à 28 dans un contexte d’agricultures européennes qui sont très différentes les unes des autres. Il n’y a pas un pays dans lequel l’agriculture ressemble à celle de son voisin. Chacun a des intérêts particuliers, ses spécificités et la dernière vague d’élargissement de l’Europe avec l’entrée de pays de l’Est n’a pas facilité ces choses-là. La simplification de la PAC est inscrite explicitement à l’agenda de la réforme. Et je n’oublie pas l’enjeu normatif majeur que constitue encore pour quelques 50 communes du sud du Gers où l’élevage est présent leur maintien en zones défavorisées simples pour accéder aux indispensables ICHN ».
Concernant la simplification des normes, Franck Montaugé renvoit aux travaux du groupe de travail sur la simplification des normes constitué au sein de la commission des affaires économiques et qui a produit un rapport de cent pages sur le sujet (téléchargez ici le rapport). « Dans ce groupe de travail on en appelle évidemment à l’arrêt de la sur-transposition des normes européennes », explique Franck Montaugé. 90% des normes qui s’appliquent à vous sont issues de l’Europe. Dans certains cas, et parfois à la demande des organismes professionnels agricoles, il y a une sur transposition de ces normes, c’est-à-dire une aggravation des contraintes liées à ces normes. On en appelle à un strict respect des normes en matière agricole. On fait aussi des propositions sur la façon dont sont élaborées les normes. On trouve que les agriculteurs ne sont pas suffisamment associés à leur transposition aux activités quotidiennes qui sont les leurs. On pense aussi qu’on ne fait pas suffisamment d’études d’impact de ces normes sur vos activités et sur les territoires sur lesquels vous travaillez. Quand on prend une décision réglementaire, en mesure-t-on toutes les conséquences économiques, sociales et environnementales ? C’est à ça que sert une étude d’impact et ce n’est pas, aujourd’hui, la méthode qui est employée pour étudier de nouvelles normes. »
Soulignant le caractère ambivalent de la norme qui peut être tout à la fois contraignante et positive, Franck Montaugé en appelle à une meilleure valorisation de ses effets auprès des consommateurs notamment. « Avec vos labels Lou Béthêt, le Veau rosé label rouge ou La vache de mon voisin, vous faites la démonstration que la norme, quand elle est délibérée, qu’on se l’impose à soi-même, est un moyen de conquête de marchés et de développement. La norme, elle peut aussi être vue à l’échelle d’un pays, à l’échelle d’une filière, comme un moyen, une stratégie de conquête de marchés, de dialogue avec le consommateur et finalement de renforcement d’activité », conclut le sénateur du Gers.