La cellule de veille et de contrôle de la commission des affaires économiques dont le sénateur Franck Montaugé est l’un des rapporteurs a remis au ministre de l’Agriculture un plan de quinze propositions pour venir en aide aux acteurs agricoles et aux industriels de la filière agroalimentaire pendant la crise (lire ici). En effet, par leur engagement, les agriculteurs et les industriels de l’alimentaire garantissent un approvisionnement en quantité et en qualité durant la crise. L’État doit être à leurs côtés.
Pour les sénateurs, la priorité doit aller à l’activation des mécanismes européens de gestion de crise qui permettront notamment d’activer les aides attendues au stockage privé, les restitutions de prix à l’exportation à titre dérogatoire et exceptionnel dans un marché en berne compte tenu de la crise épidémique et humanitaire mondiale et, au besoin, les mécanismes de sauvegarde sur les importations dans certains secteurs.
Au niveau national, l’État doit également prendre des mesures concrètes pour sécuriser la production alimentaire et les approvisionnements. Parmi elles, l’ouverture de places dans les crèches et écoles pour les personnels de ces secteurs ou la prise en charge par l’État des surcoûts logistiques pour les opérateurs.
Au niveau local, tout doit être fait pour lutter contre le gaspillage en offrant des débouchés aux produits agricoles. La restauration collective encore ouverte, les collectivités territoriales par exemple sur l’horticulture, la grande distribution, les ventes directes des producteurs par des circuits courts et des livraisons à domicile : tous les débouchés doivent être mobilisés pour venir en aide aux filières en difficulté.
Enfin, les sénateurs souhaitent la création de cellules de surveillance de l’évolution des prix d’achat et des prix de vente aux consommateurs en grande surface afin de garantir l’absence d’effet d’opportunité. De même, pour Franck Montaugé, « il faut dès aujourd’hui préparer l’après-crise au sein d’un groupe de travail associant le Gouvernement, les parlementaires et les interprofessions. Qui indemnisera les agriculteurs pour les pertes d’activité qu’ils subissent ? Des filières comme les fromages fermiers, les huîtres, des volailles ou certains fruits et légumes ont vu leurs ventes reculer entre 30 et 80% en quelques jours. Les laisser seules dans cette crise serait une erreur stratégique qui pénaliserait, in fine, notre souveraineté alimentaire qu’il convient justement de renforcer. »
Le ministre auditionné
Quelques jours plus tôt, en tant que copilote de la cellule de crise du Sénat sur l’agriculture, le sénateur Franck Montaugé avait interrogé le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume dans le cadre d’une audition organisée en visioconférence par la commission des Affaires économiques.
« Dans le dispositif autorisé par l’État en matière d’alimentation de la population, la place de la grande distribution est prépondérante, notait Franck Montaugé. Nous observons aussi que, sous condition de respect des exigences sanitaires, la vente directe sur des marchés aménagés ou aux lieux de production répond aux demandes de la clientèle et pour des produits la plupart du temps de grande qualité. Je pense que d’ores et déjà il faut en tirer des enseignements positifs. Je pense à la filière horticole dont la vente doit être permise immédiatement. »
« Pour la grande distribution, poursuit le sénateur du Gers, on constate qu’un équilibre fragile a été trouvé entre producteurs, distributeurs et consommateurs et que cet équilibre évolue dans le temps du fait notamment du comportement du consommateur qui consacre beaucoup moins de temps que d’ordinaire à l’acte d’achat. Ce phénomène affecte directement des productions à haute valeur ajoutée. Les ventes à la coupe de produits en AOP, je pense aux fromages par exemple, sont en chute libre. Et à d’autres productions saisonnières à valeur ajoutée forte comme la viande ovine dans cette période de Pâques ou des produits comme la pintade, le pigeon, la caille, les produits de la filière gras aussi. »
« Monsieur le Ministre, ces filières en souffrance doivent bénéficier d’une dérogation à l’encadrement des promotions en volume instaurée par la loi Egalim pour être soutenues tout de suite. On observe aussi des augmentations de prix sur des produits saisonniers de première nécessité. Nous souhaitons que vous objectiviez ces tendances et que vous mettiez en place une cellule de surveillance des prix en grandes surfaces, cette cellule s’appuyant notamment sur l’Observatoire de la formation des prix et des marges et du médiateur de relations commerciales. Il ne doit pas y avoir d’effet d’aubaine en matière de prix de vente et les variations anormales observées doivent être explicitées et corrigées le cas échéant. »
« La sortie de crise doit être pensée dès aujourd’hui et le dernier axe de notre premier rapport fait des préconisations en matière de besoin d’indemnisation des pertes d’activité. Les dispositifs prévus, je pense à l’accès au fonds de soutien (FDS) pour les exploitants, sont bienvenus mais ne seront pas à la hauteur de certaines pertes de productions. Je pense aux filières ovines, caprines, horticoles, conchylicoles. A la volaille qui fait beaucoup les frais de l’arrêt de la RHF. Je pense aussi aux surcoûts de financement des stockages qui pèsera durablement sur les comptes d’exploitation. »
« Quel sera Monsieur le Ministre votre soutien pour les activités des agriculteurs qui ne sont pas directement productrices de biens alimentaires mais qui souvent sont déterminantes pour la viabilité économique globale de l’exploitation. Je pense à la restauration à la ferme, aux chambres d’hôtes et à toutes ces activités à valeur ajoutée qui sont très dépendantes du niveau d’activité touristique des territoires ruraux. »
« De manière générale, des mesures de soutien spécifiques sont à prévoir pour compenser les pertes d’activités dans la durée. Pour sortir de la crise, des aides européennes spécifiques devront sans doute être mobilisées pour indemniser les producteurs agricoles en créant une enveloppe budgétaire, en dehors du budget de la PAC, dans un fonds européen exceptionnel. »
« D’autres mécanismes sont à inventer et nous vous proposons que soit créé un groupe de travail dédié, pluraliste associant le Gouvernement, les parlementaires et les interprofessions. Il devra évaluer le besoin d’indemnisation des pertes d’activité et mettre en place un système pour la sortie de crise indemnisant les producteurs pour ces pertes d’activités. Il doit penser dès maintenant le plan de relance agricole et alimentaire qui seul permettra, à terme, de maintenir la souveraineté et la résilience alimentaire de notre pays. »
« Pour terminer, Monsieur le Ministre, dans un contexte européen très difficile eu égard aux questions monétaire, budgétaire – je pense au CFP qui conditionnera le budget de la future PAC- , en quoi la crise du covid-19 remet-elle en question ou infléchit-elle les orientations du Gouvernement pour la future PAC? Le jour d’après, la question environnementale sera plus prégnante encore qu’aujourd’hui. L’agriculture, dans le cadre du « green new deal» devra profiter et contribuer aux évolutions de modèles productifs nécessaires et je redis que les services environnementaux qu’elle rend devront enfin être reconnus. »
Les quinze propositions rédigées par la cellule de veille et de contrôle de la commission des Affaires économiques sont une première réponse à ces interrogations. « J’espère que le Gouvernement les prendra en compte et les mettra en oeuvre rapidement », déclare Franck Montaugé.