Le Sénat examinera le 30 juin prochain (demain) une proposition de loi déposée le 9 mai 2016 par les sénateurs Franck Montaugé, Didier Guillaume, Henri Cabanel et les membres du groupe socialiste et républicain. Composée de 10 articles, elle vise à aborder la question cruciale de la régulation des revenus des agriculteurs, notamment par la mise en œuvre de mécanismes de gestion des risques. Le cœur de cette proposition de loi est son article premier qui vise à créer, dans chaque région, des fonds de stabilisation des revenus agricoles.
Ce texte s’inscrit dans la continuité de la proposition de résolution (lire ici) visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture déposée par le groupe socialiste du Sénat le 23 février 2016 et adoptée à l’unanimité le 6 avril 2016. Cette proposition de résolution posait des bases de réflexions sur la future PAC d’après 2020. Les auteurs y défendaient notamment la nécessité d’agir au niveau européen pour construire un système de mutualisation du risque économique en agriculture visant comme objectif principal la stabilisation et la garantie des revenus.
Un contexte de crise profonde
« Notre proposition de loi s’inscrit dans le contexte de crise profonde que traverse l’agriculture depuis plusieurs années, explique le sénateur Franck Montaugé. Si celle-ci semble avoir atteint un paroxysme l’année dernière, ses racines sont pourtant anciennes. Le monde agricole a en effet connu de fortes mutations, particulièrement au cours des deux dernières décennies : mondialisation des échanges, concurrence exacerbée des pays émergents, instabilité des marchés, volatilité des prix, logique économique libérale prédominante en Europe avec la disparition des derniers mécanismes de régulation… Au vu de ces évolutions de fond, une majorité du monde politique et professionnel s’accorde désormais sur la nécessité de repenser notre modèle agricole ainsi que les outils qui l’accompagnent », dit-il. « Cette nécessité – à moyen et long terme – ne doit pas pour autant occulter les actions fortes menées par le Gouvernement pour répondre rapidement à la crise actuelle. Cette volonté s’est également manifestée par l’adoption, en septembre 2014, de la loi d’avenir agricole qui vise justement à engager notre agriculture dans un nouveau modèle, plus en phase avec les attentes sociétales et économiques », ajoute l’élu gersois.
Repenser la PAC
La réforme de la PAC est très attendue et sera sans aucun doute fondamentale. « Dans un contexte de défiance générale à l’égard des politiques européennes et de critiques particulièrement fortes de nos partenaires à l’encontre de la PAC, la deuxième politique européenne en terme de budget (40%) devra se rénover afin de démontrer sa légitimité et sa pertinence », estime Franck Montaugé. « La PAC arrive à la fin d’un cycle et il nous appartient désormais de la repenser. Aujourd’hui, les réponses doivent être structurelles. En conséquence, elles seront trouvées au niveau européen –échelon pertinent pour des réformes de profondeur – et passeront notamment par la mise en place de mécanismes de gestion des risques ouvrant la voie à une véritable capacité de résilience des filières agricoles. »
En attendant la réforme de la PAC en 2020, la France doit être capable de formuler des propositions fortes et crédibles, étayées si possible par des expérimentations de terrain. « Cette proposition de loi s’inscrit dans cette démarche en proposant de mettre en œuvre dès maintenant des mécanismes de gestion des risques, tout en ouvrant les débats sur un certain nombre de sujets incontournables : la taxation des transactions financières agricoles, la solidarité entre les filières, l’orientation d’une partie des aides directes vers la couverture des risques agricoles pour une agriculture européenne plus résiliente à l’égard des aléas nombreux qu’elle subit », conclut Franck Montaugé.
Synthèse des mesures
Article 1 : Dans le cadre du règlement UE 1305/2013, cet article prévoit mise en place d’un fonds de stabilisation des revenus agricoles dans les régions gestionnaires du FEADER, au plus tard au 1er janvier 2018.
Article 2 : Demande au Gouvernement la remise au Parlement pour la fin de l’année 2016 d’un rapport sur les dispositifs envisageables de financements de ce fonds. Les auteurs émettent cinq pistes de réflexion pour la constitution de ce financement :
- orientation d’une partie des DPU
- augmentation de la TASCOM
- mise en place d’une taxe sur les transactions financières agricoles
- augmentation de la taxe sur les terrains nus devenus constructibles
- abondement public
Article 3 : Mise en œuvre d’expérimentations des dispositifs envisageables de gestion des risques économiques agricoles et de stabilisation des revenus dans les territoires et les filières.
Article 4 : Remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement avant le 31 mars 2017 sur les grandes orientations que défendra la France pour la future PAC.
Article 5 : Intensification de l’intervention du FNGRA en matière d’aides à la souscription d’une assurance en agriculture.
Article 6 : Augmentation du plafond de la DPA pour les exploitations pourvoyeuses d’emplois.
Article 7 : Présentation annuelle d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur les efforts consentis en matière de simplification des normes agricoles.
Article 8 : Augmentation de la taxe sur la cession à titre onéreux des terrains nus devenus constructibles.
Article 9 : Elargissement du champ d’intervention du FNGRA pour qu’il puisse financer les fonds de stabilisation prévus à l’article premier.
Article 10 : Gage classique pour le coût restant éventuel de cette proposition de loi.
Pour aller plus loin, consultez ici l’exposé des motifs et le texte de loi